vendredi 21 décembre 2012

L'accueil à l'enfant et le bien-être - le cheminement de notre famille


Après avoir lu ici hier soir, j'ai bavardé un moment avec Catherine. Puis j'ai continué mes recherches. Je n'ai rien trouvé de plus que ce que je savais déjà. Mais, ce matin, j'ai poursuivi sur ma lancée avant de déjeuner. Et tadam! J'ai trouvé quelque chose. Un tout petit quelque chose, corroboré par mes autres recherches et certains auteurs, mais comme ça fait du bien!
  
Avant la naissance
Depuis que j'ai été enceinte de notre premier enfant, j'ai senti en moi ce besoin d'être présente pour lui, de vivre AVEC lui. Déjà, à l'époque, je cherchais un moyen de ne pas retourner à l'emploi que j'occupais, pour vivre AVEC mon enfant quand il serait né. Lorsque j'étais au travail, je ressentais un mal-être flou sur lequel je n'arrivais pas à mettre de mots - et quand on sait comme notre société valorise l'intellect au détriment du ressenti...
Ma médecin avait demandé que je sois réaffectée à un poste avec un horaire plus léger. J'étais au bureau les lundis, mercredis et vendredis. À l'époque, le travail de comptabilité se faisait encore en grande partie à la main. Une partie de la journée seulement était consacrée à entrer des données à l'ordinateur. Chaque fois, devant l'écran, le ventre appuyé contre la tablette du clavier, bébé s'agitait, donnait des coups de pied; visiblement, il ne se sentait pas bien du tout.

Et après
J'ai été le plus attentive possible à mon enfant, avant et dès la naissance. Le plus possible étant parfois insuffisant. Et l'insuffisant pouvant laisser des traces traumatiques pour longtemps, la suite est d'importance. Nous avons été drogués pendant la naissance et séparés pendant plusieurs heures les premiers jours.  Nous n'avons reçu presqu'aucune aide pour l'allaitement. Le "presque" tient à une gentille infirmière qui me montrait un peu comment essayer de réveiller mon petit pour le mettre au sein. Quelques minutes et puis voilà. Mais, bon, c'est comme ça que ça se passe quand on vit dans une culture où l'allaitement n'est plus ni vu ni connu. N'arrivant pas à mettre en mots tout ce que je ressentais, et sentais de la part de mon enfant, je n'ai pu recevoir de soutien. L'ayant vécu difficilement moi-même, j'essaie d'être attentive aux signes des autres, surtout ceux qui n'ont pas de voix, ou pas de mots pour le dire. (Comme le disait Imperator dans l'épisode de Kaamelott qu'on écoutait tantôt: [...] est un chef différent, rare, celui qui ne se bat que pour la dignité des faibles.)

Vivre, dire
Quand on ne sait pas dire les choses qu'on vit, avec des mots choisis et reconnus par d'autres qui ont un certain pouvoir sur l'accueil de notre vécu (nous pensons facilement ici aux nouveaux-nés, mais voyons aussi pour les enfants et les adultes), on est très à risque d'être induits en erreur, manipulés, violentés. On le sent, on le vit, on est mal, mais cette violence n'est pas reconnue. Les mots des scientifiques et des écoles ne nomment pas le manque de tribu, de soutien, d'accueil, de reconnaissance de nos besoins, comme étant de la violence. Est-ce surprenant? Quand l'école est violence? Irrespect du développement du corps et du cerveau et des cycles biologiques naturels propres à chaque enfant et adolescent? Irrespect des intérêts et enthousiasmes spontanés de chacun?

La violence... ordinaire?
En France, on commence à en parler; on a créé l'OVEO, un Observatoire de la Violence Éducative Ordinaire. Pour ceux dont l'intellect se repaît de mots, en voilà. C'est aussi à force d'observations et de recherches sur le sujet que j'ai vu de plus en plus clairement la ségrégation intellectuelle omniprésente dans notre société, scolarisée. Moi, ça me pose questionnement, ça. Parce qu'avant d'avoir les mots, la violence éducative était trop ordinaire pour la voir? Ne serait-ce pas plutôt que sans les mots et la reconnaissance sociale officielle du vécu, on ne se sent pas le droit, on ne se permet pas de la regarder en face, la violence? Et qu'alors, on l'appelle "éducative" ou "ordinaire"? N'est-ce pas là une toute simple mais combien efficace banalisation de la violence?

Devenir mère, sans les mots
Devenue mère, j'ai lu, j'ai lu, j'ai lu, observé, écouté, lu encore... cherchant, étudiant sans relâche. Pour savoir. Pour savoir si d'autres personnes quelque part sur la Terre avaient aussi vécu ça, ce quelque chose qui fait mal à l'intérieur quand on n'est pas en harmonie avec son enfant. Ou si j'étais seule. Ou folle. Je cherchais pour savoir comment on reconnaît les signes de notre enfant. Non pas que je ne les reconnaissais pas ces signes, je les sentais très bien. Mais, je n'avais jamais - jamais! - vu nulle part une mère, un parent, avoir confiance en sa capacité innée à répondre aux besoins de son enfant, rapidement, sans jugement de la part de l'entourage. (Je n'avais encore jamais même pensé que l'humain était fait pour vivre AVEC le soutien de son entourage.) Je ne me faisais pas toujours confiance, parce qu'on m'avait montré à ne pas me faire confiance, à acquiescer à être formée, éduquée, par d'autres qui 'eux' savaient... Bizarrement, ceux qui "savaient" ne savaient pas accueillir l'enfant humain, ni le respecter...
Se faire confiance, écouter l'invisible lien (sans nom scientifique reconnu) avec son enfant, était, il y a 20 ans, la chose la plus hurluberlue qu'il soit. Dans mon environnement en tout cas. Je n'avais jamais lu Leboyer ou Odent. Combien aurait été merveilleux de lire Votre bébé est le plus beau des mammifères, Paris, Albin Michel, 1990. Eût-il été disponible, présenté quelque part, en vitrine, ou même dans le fin fond des étalages d'un librairie quelconque et je l'aurais déniché. Mais non. À notre bibliothèque et dans les librairies, nul livre qui abordait ce sujet vital de la naissance, de l'accueil à l'enfant, des premières années de vie de l'enfant, dans le bien-être, AVEC ses parents. Niet, nothing, nada.
Tout ce que nous avons déniché était des livres qui poussaient à violenter les enfants. Les comprendre? Mouais, enfin, décortiquer leur comportement... et le contrôler pour les faire obéir. Voilà ce que nous avons trouvé. Tous les stratagèmes pour les faire dormir, longtemps, seul, en taisant leurs besoins, la peur, la faim, la soif. Les faire taire avec biberon, tétine, doudou, musique, n'importe quoi pour qu'ils n'osent plus demander le réconfort du sein et du contact humain. Les faire tolérer l'abandon. Les faire accepter, en silence (autre option, avec le sourire) le non-respect de leur personne, et de leurs besoins. Voilà ce qu'on a trouvé, au début des années '90, à Québec. En matière de soutien social, on repassera.

Instinct maternel
En moi subsistait pourtant toujours cette impulsion à vivre AVEC mon enfant, à répondre à ses besoins, à découvrir le monde avec lui, à offrir tout ce que je pouvais, tout ce que je trouvais, pour que notre relation soit agréable, harmonieuse, et nos journées remplies de joie, et de bien-être. Ce désir impératif se faisait tout petit, parfois, surtout en public. Je l'ai parfois caché, hein!, parce qu'on voulait me le voler. 
J'ai continué en faisant, parfois en cachette, tout ce que je pouvais pour rendre notre vie plus agréable: le biberon tout collé sur mon sein, mes bras pour s'endormir, m'allonger au sol à ses côtés pour apprendre à se tourner, puis à se tenir sur les mains. Prendre son point de vue, le plus souvent possible, pour bien le connaître, le sentir. Me rappeler.

Soutien familial
Heureusement, il y a mon cher et tendre Stéphane, qui désirait vraiment, comme moi, que notre fils se sente bien. Avec notre bagage d'abandon et d'irrespect, on peinait parfois. 
 
Il y a ma mère aussi, qui parlait peu, mais avec qui je sentais qu'on pouvait être nous deux, bébé et moi. Je me suis mise à aller la visiter, avec bébé, presque tous les jours... de congé. Et oui, entretemps, j'étais retournée à ce travail lancinant, après le super congé maternité de 6 mois à 60% du salaire, à partager à sa guise, avant et après la naissance... ou avec le papa.

Mon père, qui ne parlait pas beaucoup de ces choses-là, semblait quand même, malgré son horaire de travail sur des quarts, plus près des enfants que bien des gens autour de moi. Cela m'a certainement aidée à "tenir" quelque part. À tenir à être une mère, à tenir à ce lien, à cette relation que je créais avec un être humain que nous avions choisi d'accueillir dans notre vie. Et je les en remercie. Sincèrement.

Parlons bien-être
Je parle de la capacité d'être bien à l'intérieur, en paix avec soi-même, tout en étant dans l'action, en choisissant nos actions pour le mieux. C'est s'aimer soi-même et se respecter, AVEC ceux qui le font aussi, envers et contre l'avis non-désiré de tous ceux qui voudraient bien qu'on se soumette au mal-être de la majorité, de temps en temps... ou plus souvent. Longtemps, j'ai essayé, cherché, essayé autre chose. Car le bien-être, on connaît tous le mot, mais peu y arrive à temps plein, n'est-ce pas? Alors, quand je trouve quelque chose qui puisse aider, je le partage. Au cas où...
 
Toutes nos expériences de vie, toutes nos observations (de centaines de liens parent-enfant), toute notre étude sur quelque sujet que ce soit - car tout est lié - conduit à considérer l'attachment parenting comme la base du bien-être intérieur pour l'humain, tout au long de sa vie. On a fait de la recherche sur la naissance, l'allaitement, le lien mèrenfant (sic Dr Pierre Levesque), le respect du développement du petit humain, le cerveau humain, et voilà que des scientifiques, tranquillement, commencent à s'apercevoir que l'accueil, l'amour, la sécurité et la confiance que les parents et l'entourage offrent (ou pas) à chaque enfant qui arrive dans leur vie, est un, sinon le plus important facteur de bien-être pour toute sa vie. Toute sa vie ! Je répète et je précise: toute sa vie d'adulte aussi. 
 
On en parle de plus en plus de cet attachement, mais cela reste encore très très dilué dans l'eau trouble et omniprésente de ce qu'on enseigne aux étudiants en sciences naturelles et humaines, et qu'ils rapportent ensuite partout, dans les médias et dans les livres. 

La perle orangée
Voilà donc qu'au milieu de cette eau trouble, j'ai trouvé une petite perle orangée, toute petite, mais brillante dans un mince encadré, en tout petits caractères, sur une page web de l'Université McGill. Wow! Vous vous dites peut-être que c'est pas grand chose ? Tout ça pour si peu ? Peut-être... mais quand on fait autant de recherche qu'on le fait ici depuis si longtemps, on se sent comme un archéologue: quand on tombe sur un os (mauvais jeu de mot), on le sait. Et un os français en plus. En voici un, bon plutôt une, petite perle. (Svp, ne la jetez pas aux pourceaux, comme disait une amie un jour! ♥ )
Le taux de sérotonine d’une personne est contrôlé par ses gènes, ce qui pourrait expliquer l’incidence plus élevée de la dépression dans certaines familles. Mais le taux de sérotonine peut aussi être affecté par les soins parentaux reçus au début de la vie.

Des expériences ont montré que des singes élevés par d’autres singes que leur mère (ce qui constitue un événement stressant pour eux) ont des taux plus bas d’un sous-produit de dégradation de la sérotonine dans leur sang. Ce plus faible taux persiste ensuite durant toute leur vie adulte, même chez les animaux qui avaient été éventuellement remis avec leur mère. 
Il semble donc qu’une privation des soins maternels en bas âge peut recalibrer notre taux de sérotonine à un plus bas niveau qui persiste jusqu’à l’âge adulte et peut être une cause potentielle de différents problèmes psychologiques, dont la dépression.
Il y a bien sûr d'autres cas de mal-être que la dépression. Je ne dis pas que nous avons vécu pire que les autres. Je ne quantifie pas le mal-être. Je ne compare pas avec les autres. On n'a pas besoin de mal-être dans la vie. Quantité de gens  sont déprimés, tristes, parfois ou plus souvent. Quantité de gens sont dépressifs sans même le savoir. Le mal-être, je ne connais personne encore qui ne l'a pas vécu. Voilà pourquoi, pour moi, ça concerne tout le monde, dans notre genre de culture.
 
Voici donc mon premier billet de ce nouveau cycle aztèque (à 208 ans près, me précise-t-on). Je sème ici l'accueil à l'enfant dans le bien-être, avec cette petite perle trouvée ce matin.
Merci Catherine !
Édith
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* Bien sûr, je ne prône pas du tout de poursuivre sur cette voie de la ségrégation intellectuelle. Je suggère, au contraire, de s'ouvrir au ressenti, le sien, celui de l'autre. D'accepter que tout ne soit pas mis en mots pour reconnaître la douleur, le mal-être, les actes de violence (l'irrespect est violence) et offrir une présence affectueuse, amitié, amour, soutien ou accompagnement.  

6 commentaires:

Janie a dit…

Merci Édith pour cette trouvaille. Cela alimente ma recherche personnelle. De combien de preuve scientifique aurons-nous besoin avant de pouvoir simplement écouter ce qu'on sait intuitivement ?

Catherine a dit…

Que c'est beau, Edith. Merci de ce magnifique partage. Ça me fait plaisir d'avoir un peu plus une idée de l'enfance des garçons... et de ce à quoi tu ressemblais il y a 15 ans! Tu as toujours été si belle!

L'équipe J'OSE la vie ! a dit…

Merci Janie pour ton commentaire.
On n'a pas besoin d'attendre. Nous sommes tous des scientifiques nés (des artistes aussi, et toute autre chose). À chacun d'observer, de comparer, et de partager ce qu'il trouve. Attendre des preuves scientifiques empêchent trop de gens, trop de parents, d'être gentils et tendres avec leurs enfants. N'attendons pas. ;-)
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Merci Catherine pour ton commentaire. Tu est bien gentille. Et toute belle sur la petite photo à côté de ton nom. C'est un tout petit extrait de notre vie. J'en partagerai un peu plus dans un livre, probablement.

Edith

ellene a dit…

J'aime beaucoup ton blog
merci de partager ta vie qui semble remplie d'amour ♥♥♥

L'équipe J'OSE la vie ! a dit…

Merci ellene!

Notre vie est remplie d'amour, oui, absolument!, mais nous avons fait face (encore aujourd'hui) à beaucoup de difficultés et de jugements aussi.

C'est aussi pour cela que nous partageons témoignages, informations, traductions.
Pour «Changer le monde, pour la Vie!»© ♥

Edith
xox

ellene a dit…

et bien peut être que ton témoignage va changer ma vie et celle de ma fille ;)
Je suis a la veille de perdre ma job et la question est : vais-je m’arrête de travailler ? La réponse est pourtant claire dans ma tête. Je déteste les garderies, je déteste entendre ma fille se réveiller toutes les nuits insécure, je déteste le regard de mes collègues sans enfants qui ne comprennent pas et ceux qui ont des enfants faire semblant que tout va bien...bref je veux être avec ma fille. A côté de cela je ne peux m’empêcher de me dire : serais je capable ? manque de confiance en soi, jugement des autres, bagages insuffisants je ne sais pas ...le doute est la, mais si le résultat c'est que ma fille puisse s’épanouir dans la vie alors GO !
je reviendrais te lire c'est certain
bonne fin d'année 2012 a toi et a ta famille

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