dimanche 30 septembre 2012

Ode à la Joie

Il est tard, en ce samedi soir, mais j'ai envie de partager ma joie avec vous, avec tous. J'aime la musique. Que dis-je, j'adore la musique! Et si vous me lisez parfois, vous savez que j'adore la musique depuis toute petite. L'an dernier, je racontais ici que Stéphane, mon amour, mon ami, mon mari, mon compagnon de vie, aimerait bien avoir une guitare, jouer de la guitare. Puisque toute la famille aime la musique, Stéphane savait que si nous avions une guitare à la maison, nous allions tous en gratter les cordes à un moment ou à un autre. 

En fin de semaine dernière, nous sommes passés faire une visite spontanée à des amis. Et tout en bavardant, ma copine et moi avons abordé ce sujet. J'ai dit, comme ça, de nous aviser si sa fille voulait un jour vendre sa guitare, puisqu'elle joue souvent du piano en ce moment. Juste au cas, quoi.

Jeudi, ces amis sont passés nous visiter. C'est toujours une joie de les voir.
Et voilà que son fils est entré avec une guitare - la sienne - pour nous l'offrir ! 
Oui, monsieur, oui, madame ! 
Je ne savais même pas qu'il avait une guitare celui-là. J'étais bouche bée. Et il voulait l'offrir, comme ça. Quelle gentillesse ! Et quand j'ai dit que c'est Stéphane qui allait être content, il y avait encore plus de joie dans la maison, tout à coup. Ça faisait une surprise à préparer ! :-)

Beaucoup plus tard, mais il y a quand même plusieurs décennies, lorsque j'ai entendu pour la première fois l'Ode à la Joie de Beethoven, j'ai eu envie de jouer de la musique, de chanter, de danser. L'Ode à la Joie, je suis en fête quand je l’entends. C'est une fête dans ma tête, dans mon cœur, dans mon corps, dans mon âme.

Depuis qu'on a un clavier à la maison, nos enfants en ont joué souvent; composition de musique de films et tant d'autres mélodies. Récemment aussi, mix et remix de mélodies de jeux vidéos. Il y a quelqu'un au clavier presque tous les jours depuis quelques années. Et moi, bien que j'en aie envie, je prend rarement le temps de le faire. Et chaque fois que j'y viens, c'est pour essayer de jouer l'Ode à la Joie.

Revenons à jeudi. La grande sœur du garçon à la guitare s'est mise au piano un moment, comme elle le fait chaque fois qu'elle vient à la maison. J'ai bavardé avec elle un moment, pour lui dire que j'avais pratiqué un peu la veille cette Ode à la Joie que je veux jouer, mais que je n'arrive pas, pour le moment, à jouer la main gauche. Et qu'après l'avoir pratiqué deux fois, j'en avais mal à la tête. Et elle m'a donné le même conseil que notre fils aîné: «il faut pratiquer». :-) Je sais bien, oui. Et je vais le faire de plus en plus maintenant car je le veux vraiment. Elle avait envie de me montrer à jouer quelque chose de plus facile, mais je lui ai dit que je craignais d'être toute mêlée si j'apprenais autre chose. En fait, si je veux jouer du piano, c'est seulement pour jouer l'Ode à la Joie. Bizarre, je sais. Mais, pour le moment, c'est comme ça. Elle comprenait très bien. Et puis, je préfère encore l'écouter quand elle joue, j'adore les concerts. Gratuits, dans ma cuisine, je ne m'en lasse pas.

Bon, c'est un peu long ce billet, moi qui voulait juste partager un petit truc, j'y arrive.
Aujourd'hui, nous avons vécu une journée hors de l'ordinaire, c'est le moins qu'on puisse dire. Et à la fin de la soirée, juste avant d'aller au lit, j'ai pris le temps de terminer la lecture de cette lettre à une amie qu'a publiée Renée Demers, ancienne proprio de la librairie Biosfaire, dans le bulletin Covivia. Et à la toute fin de la lettre, Renée nous invite à regarder cette vidéo dont une amie lui a fait suivre le lien. Et à la tout fin de cette journée, et de cette semaine, et de ce mois, plutôt épuisants, je clique sur le lien, Som Sabadell flashmob, je monte le son... et voilà, je vous invite à le faire aussi. Allez-y!




vendredi 28 septembre 2012

communiquer avec nos enfants - Sandra Dodd

Feel it and believe it, par Sandra Dodd
Traduction: J'OSE la vie!

photo: pixabay

« Quand vous dites quelque chose à votre enfant, n'oubliez pas de le sentir et de le croire, ou vous enverrez des messages contradictoires, et le ton peut-être plus fort, avoir plus d'impact, que les mots. Et avec les bébés et les tout-petits, le ton peut être l'ensemble de la communication. » ~Sandra Dodd
Cette citation est tirée de la page 208 du livre: The Big Book of Unschooling
et réfère à cette page web: SandraDodd.com/tone.


mardi 25 septembre 2012

Allez, on se tire !



Un pique-nique vite fait par Stef, on saute dans la voiture ! On va où ? 

Ici ! (photo: wikipédia)

Faisait beau, froid, et quel vent !
On s'est amusés à sauter et danser sur les ponts suspendus, le premier: Mestachibo (cliquez  sur le mot pour ne rien manquer!), mais surtout le second: le McNicoll, qui bouge bien. Au troisième - le Laurent - plus bas que les autres, seulement 9 mètres au-dessus de la chute, un peu de vertige. On marche sur le grillage métallique et on voit les rapides sous nos pas. Amusant, aussi.

Pas de foule en ce lundi de septembre. Tout le temps qu'on veut sur les ponts suspendus et belvédères: assis longuement à profiter de la vue, des volutes blanches de particules d'eau qui montent et retombent; ou allongés tout en bas, à contempler le grand pin blanc - majestueux - se balancer au vent devant les nuages blancs sur fond de ciel bleu d'automne, si longtemps qu'on finit par croire que le pin va se jeter du haut de la falaise, et que ce sont les nuages qui sont immobiles. 

Stéphane remonte. Nous restons encore. Puis, nous le rejoignons, il nous attend, sur un banc. On s'assied avec lui un moment. Notre fils observe la hauteur colossale du grand pin blanc, bien droit, tout comme son voisin la pruche. Attendons un peu dans les marches. Des gens font une photo souvenir, entourant un jeune homme en chaise roulante sur le pont suspendu. Ça fait plaisir à voir qu'on offre ce service de navette. On monte, un petit groupe, hispanophone, s'avance en sens inverse. Nous nous sourions. Attendons un peu, un des leurs avance, hésitant. Nous patientons, pour ne pas lui faire perdre l'équilibre. Et dès que c'est libre, on saute ! Encore, et encore !
Retour à l'arbre aux messages, où j'ai laissé un secret. ♥

Une autre pause à la cabane, reproduction de la cabane dans les bois de Henry-David Thoreau, à Concord, Mass. qui est passé par ici, aux Chutes Sainte-Anne, en 1850. 

Coïncidences et souvenirs: il y a une société Thoreau à Québec, et une Thoreau Society à Concord, cette ville où habitent des amis, le premier correspondant américain de notre aîné en 2001. Sur le blog LEMAQ, on a parlé de Thoreau, il y a longtemps aussi. 
Ça me donne envie de lire « Un Yankee au Canada ». 
Édith

mercredi 12 septembre 2012

André Stern au Québec - Invitation printemps 2013

André Stern au Québec

L'auteur de "...Et je ne suis jamais allé à l'école", 

en visite au Québec, au printemps 2013 !

André Stern, né en 1971, grandit en dehors de toute scolarisation: il raconte son expérience dans le livre ''...Et je ne suis jamais allé à l'école'', publié chez Actes Sud, en octobre 2011, et lors de nombreuses conférences et workshops.
Marié, père d’un petit garçon, André Stern est musicien, compositeur, luthier, auteur et journaliste. Il codirige le Théâtre de la Tortue à Toulouse avec Giancarlo Ciarapica depuis 2004.

Venez rencontrer André Stern dont le travail dans les médias, les activités de conférencier dans les universités, auprès des professionnels de l’éducation et du grand public répondent à un intérêt croissant de la part de tous ceux qui, de près ou de loin, vivent et travaillent avec les enfants. 
  
André Stern est l'un des experts les plus en demande sur le sujet du unschooling (apprentissage informel), en regard de son expérience unique et de son lien avec la neurobiologie. Il a été nommé Directeur de l'Initiative "Des hommes pour demain" de la Fondation Sinn-Stiftung par le Prof. Dr. Gerald Hüther, chercheur en neurobiologie avancée. 

Venez l'écouter raconter cette enfance heureuse, et échanger avec lui lors de ses conférences : 
calendrier: *** à venir très bientôt ***

Québec, Sherbrooke, Saint-Hyacinthe et Montréal



Entrée :
15$/adulte
(20$/couple), sur réservation

20$/adulte (30$/couple), à la porte

Réservez votre place en communiquant avec nous au: quebec (@) andrestern (point) com






Article Grandir Autrement n°32

«Apprendre découle naturellement de l'enthousiasme» 
(Grandir Autrement, nov.déc. 2011)

André Stern, invité de France Inter (06/09/2012) :

  L'éducation, hors des sentiers scolaires (14/03/2012)

 


Extraits d'une conférence d'André Stern à l'Université de Zürich, 
(1100 spectateurs) V.O. Sous-Titres Français



Ce livre, qui raconte l’histoire d’une enfance heureuse, comble une lacune : jusqu’ici, personne ne savait ce qu’il advient d’un enfant qui, profondément enraciné dans notre société et sa modernité, grandit loin de toute scolarisation, sans stress, sans compétition, sans programme préétabli ni référence à une quelconque moyenne.
Combler cette lacune permet de tordre le cou à certaines idées reçues. Vivre loin de l’école ne conduit pas à devenir un sauvage analphabète, asocial et incompétent ; les moyens d’accéder au savoir et à la réussite sont nombreux et inattendus ; le cas d’André Stern n’est pas l’apanage d’une famille aisée.
Combler cette lacune donne la liberté de faire un choix personnel, en toute connaissance de cause, en toute conscience de la largeur du spectre des possibles.
Cet ouvrage ne vante pas une méthode de plus, ne propose pas de recette miracle. Il n’est ni un manuel d’anticonformisme, ni une critique de l’école. Il est un témoignage, une source d’inspiration, un appel à la liberté, à la diversité et à la confiance. 
En surfant sur le web:


Theomaluanne
29 déc. 2011

«Anne a eu la bonne idée de me prêter ce livre dont j'entendais beaucoup parlé...

Collection "Domaine du possible" Editions "Actes"Sud"
Je ne connaissais pas l'auteur. La quatrième de couverture annonce d'emblée: "André Stern, né en 1971, grandit dans le respect de la disposition spontanée de l'humain[...]." Le ton est donné mais rien d'intello dans tout ça, pas de prosélytisme... Rien qu'une expérience fabuleuse !»
Imocarpé - 28 oct. 2011

…et il n’est jamais allé à l’école!…
…et il en parle trèèèès bien!…
[d'ailleurs, un petit clin d’œil sur la fameuse "crise d'adolescence", puisqu'on en parlait récemment, qui n'est à notre sens ni obligatoire, ni normale, ni positive, mais plutôt engendrée par une enfance trop contrainte. André Stern en dit exactement ce que j'en pense! :-) ]
Nous vous conseillons vivement son petit livre, qui se lit et se savoure comme un bon petit pain.


Journal JOSE (ben oui, c'est nous !)
18 octobre 2011


André Stern, un homme ordinaire, comme chacun d'entre nous, mais qui a eu la chance -  et pourquoi ne l'avons-nous pas tous eue ? - de ne pas être forcé de faire autre chose que de vivre sa vie. Voici un peu son histoire, un bref portrait mais qui donne le ton, inspiration pour les uns, encouragement à continuer pour les autres.

[...]

Chaque fois qu'il parle, qu'il répond à une question, nous entendons en écho les voix de nos fils, les mêmes réponses qu'ils ont données si souvent à tous ces parents qui cherchent. Combien de fois a-t-on dit de notre fils qu'il était une exception, un être doué, différent des autres enfants ? Combien de fois avons-nous dû insister pour rectifier cette méprise, se hasardant parfois jusqu'à faire observer combien ces comparaisons sont dévalorisantes pour tous ? André Stern le dit aussi, publiquement: il n'est ni exceptionnel ni surdoué.
Quant à cette "chance" qu'André Stern a eue, et bien à défaut d'avoir eu la même, on peut au moins l'offrir à nos enfants, et se réjouir de la joie, de la liberté, de la vie, dont ils profiteront. Comme l'écrit Sandra Dodd, dans son livre Sandra Dodd's Big Book of Unschooling : 
"Offrez à vos enfants ce que vous aimeriez avoir eu étant enfant et vous pourrez guérir votre enfant intérieur dans le processus."


Oserons-nous espérer maintenant que non seulement les parents le liront et l'entendront mais aussi les enseignants, les directeurs d'école, les ministres de l'éducation ?

Propos recueillis par Gabriel Alexandre Gosselin - 21 janv. 2010

«J’aime raconter mon histoire, celle d’un enfant non-scolarisé, parce qu’elle est inhabituelle. J’aime la raconter, car je n’ai rien à vendre. Cette histoire démontre la multiplicité des intérêts et des manières d’apprendre que la non-scolarisation engendre. Elle offre également l’occasion de vérifier si les mille maux annoncés s’abattent réellement sur celui qui ne va pas à l’école et s’il devient, conformément aux prédictions, un sauvage illettré, végétatif et asocial. Je me souviens du quotidien, fait de rencontres et de jeux. J’étais un enfant heureux et plein d’enthousiasme. Apprentissage et jeu sont, pour moi, synonymes.»
 

Et sur le choix des libraires.com, une présentation du livre, suivi de courts extraits.
Plus d'infos: http://andrestern.com

jeudi 6 septembre 2012

Interview exclusive avec André Stern, auteur de "...Et je ne suis jamais allé à l'école"


Interview avec André Stern, auteur du livre :  
« … ET JE NE SUIS JAMAIS ALLÉ À L'ÉCOLE » - HISTOIRE D'UNE ENFANCE HEUREUSE
par Édith Chabot-L. 

Pauline, Antonin et André Stern, par Isabelle Latournerie (2012)
Nos remerciements pour cette photo exclusive. 
Édith: André Stern, vous n'êtes jamais allé à l'école, vous exercez plusieurs métiers, vous êtes marié et papa d'un petit garçon, comment ça va pour vous aujourd'hui?

André: Très bien, mon enfance, mes 41 dernière années d'enfance et leur actualité se passent très bien. Je suis heureux. Bien sûr, ça comprend les difficultés, les crises, les obstacles, tout ce qui est lié à une vie normale; je ne suis pas un être qui ne connaît pas réalité du monde. Je suis heureux, j'ose le dire, je suis un enfant heureux.

André Stern, enfant, dans le Closlieu - courtoisie de l'institut Arno Stern - Paris

Édith: Vous êtes à Avignon, en tournée. Qu'y faites-vous? Êtes-vous en famille?

André: Voilà ! Nous sommes à Avignon, tous les trois, en famille. Nous venons ici depuis 1999. Maintenant, avec Antonin, nous avons une organisation différente, nous suivons un rythme différent. On arrive à organiser la vie de famille. Notre petite famille de 3, la plus grande famille de 6, et la très grande famille du théâtre ont un nouveau membre qui est Antonin.


Édith: Quel âge a Antonin?

André: Antonin a 2 ans et demi, il est né en décembre 2009.


Édith: Vos métiers - vous en pratiquez plusieurs – vous permettent-ils toujours de voyager en famille?

André: Pas toujours en famille, il y a parfois beaucoup de kilomètres à couvrir. Nous voyageons beaucoup, principalement en Europe, mais aussi en Inde, en Afrique. Nous essayons toujours de voyager en famille, bien que ce ne soit pas toujours possible. Par exemple, dernièrement, j'avais à prendre 4 avions et 4 TGV en 4 jours, ce qui n'est pas vivable pour un enfant de 2 ans.

Quant aux métiers que j'exerce, j'ajoute une nuance. J'ai du mal à différencier métiers et hobbies, job, gagne-pain et rêve, vie et apprentissage, famille et vie professionnelle, tout cela est très séparé chez certains, pour moi, pas du tout. Cette notion est très vague. J'exerce ces métiers qui me rendent très heureux, je ne me suis pas tenu à un seul métier, une seule direction, j'ai beaucoup de voies de jonction. Beaucoup de métiers sont apparus en cours de route, il y a tous ces métiers que j'ai toujours voulu exercer, et d'autres que je ne qualifie pas de métiers. Actuellement, je suis guitariste, compositeur et interprète à Avignon. Je co-dirige avec Giancarlo Ciarapica une compagnie de théâtre; nous sommes responsables d'un lieu à Avignon. Nous sommes ici pour le Festival de théâtre et de musique. Actuellement, mes métiers sont dans l'ordre: guitariste, luthier, auteur et journaliste.
  
Je suis aussi directeur du collectif « Des hommes pour demain », initié par le Pr. Dr. Gerald Hüther, chercheur en neurobiologie avancée.

À part cela, je travaille aussi à ce qui touche l'informatique, les machines, les appareils. Et je suis un collaborateur proche de mon père, tout comme ma sœur. Il s'agit d'un très large travail qu'on peut qualifier de métier quoiqu'actuellement, mon métier principal c'est d'être père: observer, noter, partager l'enfance de mon enfant.


André Stern - courtoisie de l'Institut Arno Stern - Paris


Édith: Vos parents vous ont offert ce choix – il s'agit bien d'un choix - de ne pas aller à l'école. Dans votre témoignage (livre), on sent une continuité de leur propre vie dans la vie de ce couple accueillant un enfant, une cohésion avec leurs expériences de vie respectives, avez-vous senti cela? Comment l'avez-vous vécu?

André: Alors, je ne sais pas si c'est un choix, c'est plutôt leur choix. C'est merveilleux que les parents fassent des choix, c'est ce qui me pousse à transporter ce témoignage. Pour la plupart des parents, en France, il n'y a pas de choix, tout le monde part du principe que les enfants doivent aller à l'école. – Et là, je précise que je ne travaille pas contre l'école; je travaille main dans la main avec les gens qui font l'école. – Ce qui est réjouissant, après avoir lu mon livre, c'est qu'un parent connaît le spectre des possibles. Quant à moi, je trouve merveilleux d'être le fils de parents qui ont fait des choix, mais peut-être notre fils voudra-t-il aller à l'école. Le choix et la liberté sont des choses différentes. Il ne faut pas donner que le choix, il faut aussi donner la liberté. Par exemple, à un végétarien, si on offre le choix entre viande de cochon ou viande de bœuf, il y a un choix, mais il n'y a pas de liberté; il n'y a pas la liberté de choisir ce qui correspond à ses convictions.

Les parents font des choix, c'est ce qui est caractéristique des odeurs, des couleurs du foyer, ce qui est plus important que sa géographie. Pour mes parents, ce n'était pas possible autrement. Ce n'était pas un choix, mais la seule chose possible. Ils étaient des élèves brillants tous les deux, il ne s'agit donc pas de souffrance personnelle, ils n'avaient pas de compte à régler avec l'école. Ils ont agi selon leurs convictions. «Mon père, mon ami» est le livre (publié en allemand) que j'ai écrit avec mon père, et qui raconte cette continuité. Il est le fils de son père, je suis le fils du mien, je suis ému et ravi que mon fils soit né dans cette famille, dans une grande continuité, en présence de mes parents (c'est ainsi que la vie l'a voulu). Je suis très reconnaissant d'avoir rencontré une femme comme Pauline, qui partage les mêmes convictions; elle ne reprend pas les miennes, il ne s'agit pas d'adaptation mutuelle, mais bien d'une rencontre. Voir Antonin évoluer, voir mon fils avec mon père, c'est une continuité qui est filigrane dans ma vie. Je le vis tardivement, à 41 ans, mais voilà, c'est ainsi que les événements se sont présentés.


André Stern - courtoisie Institut Arno Stern - Paris

Édith: En lisant votre livre, on sent cette complicité entre vos parents, un choix commun d'offrir le soutien, l'environnement, les outils, de trouver les personnes intéressantes et intéressées par vos passions. Quelle est leur philosophie?
Ou est-ce plutôt un mode de vie?

André: Il n'y a pas de philosophie, pas de méthode. Un mode de vie, c'est déjà plus près, mais c'est une attitude surtout.

Mes parents étaient émus, ils nous ont vu grandir, marcher, parler sans intervention éducative, sans incitation, chacun à son rythme. Ils sont émus, ils le sont encore, ils vivent une seconde vague avec Antonin; ils rencontrent l'enfance d'Antonin avec un confiance décuplée. Leur attitude principale c'est l'observation. En position d'observation, on se met à l'abri des erreurs qu'on peut commettre. On n'a plus le temps de réfléchir. Porté par la curiosité, j'observe quel sera le prochain pas naturel dans la disposition spontanée de l'enfant, plutôt que de chercher de quelle manière je pourrais induire le pas suivant.

Anecdote: Antonin s'est mis à dire : « 2, 4, 6 ». Pourquoi ? On ne sait pas.
Il entendait un chiffre, et répondait: « 2, 4, 6 ».
Nous sommes habités par la curiosité de voir venir l'étape suivante. Dans le monde des autres, qui n'est pas toujours comme le nôtre bien que nous en fassions partie, un adulte un peu choqué de le voir rayonnant répéter 2, 4, 6, nous a dit: «Vous ne pouvez pas le laisser dans une telle erreur, il prononce mal, il compte mal, c'est votre responsabilité de lui montrer». Il a dit à Antonin: « Il faut dire 1, 2, 3, 4, 5, 6,...».

Je m'appuie sur la neurobiologie moderne; l'enfant se tourne vers ses personnes de référence primaire: ses parents. L'enfant attend d'eux un acquiescement, un feu vert. Ça s'inscrit dans l'enfant. On a une responsabilité immense, il s'agit pour nous de donner à sa disposition spontanée l'acquiescement qu'il attend; nous validons et alors, toutes les autres influences n'ont aucune prise sur lui.

Antonin l'a regardé, a répondu: «2, 4, 6 ».

Plus tard, il s'est mis à dire: « 1, 3, 4, 6 ».

L'enfant a une telle envie, un tel besoin d'acquiescement, de référence, il est prêt à abandonner sa disposition spontanée au nom de ce qui reçoit un bon accueil de la part de ses personnes de référence. L'on peut laisser l'enfant dans sa disposition, ou lui imposer la nôtre: quelle responsabilité immense!

On savait qu'un autre pas viendrait après 1, 3, 4, 6, si on n'intervenait pas. Nous voulons être sûrs que son évolution soit son évolution personnelle et non le fruit de notre intervention. Voilà ce qui meut depuis toujours mes parents.

Ici, je vous parle d'enthousiasme.
La neurobiologie nous apprend des choses passionnantes. Je résume l'histoire de la neurobiologie. On a tout d'abord pensé que nous, les humains, avons des cerveaux différents: rapides, lents, bêtes, intelligents. C'était pratique, on a créé des catégories, sous-doués, surdoués, etc. De manière définitive. Un gros malin a même eu l'idée (heureusement restée sans suite!) de stériliser les personnes avec un niveau de QI inférieur à un certain chiffre, pour les empêcher de se reproduire.

Or, le cerveau se développe en fonction de l'usage qu'on en fait. Une première découverte a démontré que la zone du cerveau qui commande le mouvement des pouces est plus développée chez les jeunes de 15 ans d'aujourd'hui, 3 fois plus développée qu'il y a 30 ans. Avez-vous une petite idée de la raison de ceci? Bien sûr, il s'agit des SMS. Découverte renversante. Les scientifiques ont donc pensé à traiter le cerveau comme un muscle, à le rendre très gros. À leur grande déception, ça n'a pas marché. Ils ont essayé de faire apprendre 5 langues à l'école maternelle, ça ne marchait pas. Comme la zone qui traite des pouces a triplé de volume, ils ont inventé un programme pour tripler le volume du cerveau, ça ne fonctionne pas.

La découverte primordiale qu'ils ont ensuite faite est une chose que nous savons tous depuis toujours: le cerveau se développe là où on l'utilise avec enthousiasme!

Décortiqué dorénavant par les scientifiques, le processus est très clair: l'enthousiasme agit comme un engrais pour le cerveau. Là où nous nous enthousiasmons, le cerveau se développe de manière spectaculaire et automatique. La neurobiologie a pris des années à prouver ce que nous savons tous par instinct et expérience: l’enthousiasme est la clé des choses. En état d'enthousiasme, plus rien n'est inaccessible, apprendre se « fait tout seul », ça, nous le savons. Savez-vous que les petits enfants éprouvent une poussée d'enthousiasme toutes les 3 minutes environ? Chez l'adulte, une telle poussée d'enthousiasme n'arrive que de 2 à 3 fois par an! Les enfants viennent au monde en tant que condensés d'enthousiasme. On n'a aucune idée de ce qui se passe lorsqu'un enfant se développe sans être dérangé dans cet état primordial et primaire d'enthousiasme. Ma chance (il s'agit de tout, sauf d'un mérite personnel) est que je peux apporter des réponses inédites et décisives à ce sujet.

Maintenant qu'on est d'accord sur l'aspect primordial de cette nécessité, il est bon de savoir que l'enthousiasme prend du temps. Lorsque, par exemple, je lisais un auteur ou que j'apprenais l'allemand durant 6 heures d'affilé, personne n'est venu après 50 minutes (durée moyenne d'un cours en classe) me dire que c'est terminé. Quand on vit son enthousiasme dans le temps et la confiance, on approfondit, en toute logique, chaque jour, ses connaissances et sa compréhension. Et j'ai pu faire l'expérience que cela a un effet secondaire spectaculaire qui s'appelle: la compétence.

Quand nous sommes enthousiastes, notre compétence augmente à grande vitesse. Et savez vous que la compétence a, elle aussi, un effet secondaire ? Et c'est la réussite, le succès !

On est prêt à piétiner les autres, à sacrifier sa vie au nom de la réussite. On a désappris bien des choses au nom de la réussite, laquelle n'est que l'effet secondaire de la compétence, qui est, elle, l'effet secondaire de l'enthousiasme. Voilà ! Ce qui est vendu comme un fin en soi n'est que l'effet secondaire de l'effet secondaire de l'enthousiasme.

André Stern, enfant - courtoisie Institut Arno Stern - Paris
Édith: Tout petit, déjà, votre papa vous offre une guitare. Vous dites plus loin que pour vos parents, la musique est vitale, mais qu'ils ne jouent d'aucun instrument. Vous voyez en ce premier cadeau, un appel, une demande implicite?

André : Pas du tout! Ça faisait partie de ce qu'ils m'ont offert, tout comme des outils, des camions, des voitures, toutes sortes de choses. La guitare avait beaucoup d'importance dans la musique, le flamenco, que mon père aimait. Mais, ce n'était même pas une proposition, c'était un cadeau. Quand on offre un camion à son enfant, ça ne veut pas dire qu'on veut que son fils devienne camionneur.
Le fait d'offrir une guitare...


Édith : N'avez-vous pas vécu cette mentalité de consommateur omniprésente dans notre culture, où le parent veut voir que ce qu'il a dépensé, payé, est utilisé par son enfant?

André: Quand on vit avec son enfant, c'est difficile de se tromper sur ses enthousiasmes; mes parents ont observé que j'avais la tête collée sur le parquet lorsqu'on jouait de la guitare en-dessous. Si j'offre des avions à Antonin à chaque fois que j'en rencontre un qui nous plaît, c'est qu'il aime les avions, et les motos, et les autos. Et les gros camions ! Voilà ! Je sais qu'il est passionné. Mais si je lui offre un nécessaire à couture, ce n'est pas ce qui l'intéresse en ce moment. En vivant avec eux, en étant observateur, on se met à l'abri de toutes sortes d'erreurs. Effectivement, y'a pas à organiser, mais à se laisser porter par l'enthousiasme les uns avec les autres. Et surtout, à chaque fois qu'on essaie d'organiser quelque chose, (désolé pour le bruit, je suis dans la rue maintenant, Avignon est bruyant, je vais bientôt prendre une rue plus calme ... voila! Vous êtes toujours là, Édith? == oui, oui, bien sûr !), on risque d'imposer ses idées; on va ainsi au devant de grandes déceptions. Le mieux est le lâcher prise, ne pas avoir d'attente. C'est ce qui a mis mes parents à l'abri, de ne pas avoir d'attente.

Anecdote: Antonin adore les camions. Je lui ai trouvé un camion qui fait 62 cm, et je le lui ai offert. Il a fait: «ohhhhh !» Et il a joué non-stop pendant 3 jours avec... l'emballage ! Il faut avoir cette ouverture d'esprit. (Il rit de bon coeur)

Autre anecdote: Quand j'avais 5 ou 6 ans - je l'ai raconté dans le livre (ndlr: page 44)- papa m'emmène au planétarium, et nous avons vécu ensemble cet enthousiasme: lui sur les choses du ciel, moi sur le fonctionnement du planétarium! En anglais, la neurobiologie appelle ça «shared attention», on est ensemble sans pour autant regarder dans la même direction.

André Stern - par Pauline Stern
Édith: Vous parlez de la photo – et de bien d'autres sujets qui vous ont passionnés – et distinguez l'apprentissage, l'exploration autonome, de l'avis de spécialiste. Cela vous a-t-il beaucoup apporté d'explorer par vous-mêmes, suivant votre rythme?

André: Ça a fait que j'ai fait les choses avec véhémence, à mon rythme, à ma façon à moi. Parfois, j'ai pris des détours complexes, du coup je n'ai jamais oublié ce que j'ai appris. Ce n'était pas toujours la ligne droite, mais c'était mon parcours. Cela dit, je n'ai pas inventé le monde, la lutherie, la photo, mais j'ai eu une chance inouïe, le meilleur luthier de la planète – être sous l'égide de cet homme, c'était au-delà de mes rêves les plus fous! Aucun rêve n'est vraiment inaccessible. Après m'être cassé le nez auprès de plein de ses collègues, Werni m'a dit: «je peux tout te montrer, mais je ne peux rien t'apprendre». C'était merveilleux ! Je n'ai pas inventé ce métier, je n'ai pas appris juste pour passer un examen. Ce que j'ai appris est resté inscrit en moi, je n'ai rien oublié parce que c'était mon parcours. Comme lorsque j'ai rencontré le chiffre pi. C'était complexe, je voulais calculer la vitesse de mon camion, je n'ai cru au chiffre pi que lorsque j'ai eu enroulé la bande de papier autour de la roue (ndlr :page 55). C'était plus simple d'appliquer la formule plutôt que de vérifier par soi-même. Mon procédé était moins direct, moins rapide, plus compliqué, mais c'était le mien et jusqu'à maintenant, cela m'a bien servi.

André Stern, avec Werner Schär - courtoisie andrestern.com

Édith : À un moment, vous vous rappelez les visites dans des boutiques spécialisées, vous vous sentiez mal à l'aise, on vous regardait comme un extra-terrestre. Plusieurs unschoolers disent être regardés de cette façon, à un moment ou à un autre.
Néanmoins, vous dites aussi que quelque chose en vous est posé sur des rails, vous semblez assez sûr de vous alors que vous sortez à peine de l'adolescence. Vos parents vous ont-ils aidé en ce sens?

André: En fait, ce n'est pas particulier à l'adolescence. Je n'ai vécu aucune crise d'adolescence. Cette crise n'existe que dans un certain cadre ; sans le cadre, elle n'existe pas.

Ce regard dont je parle, je l'ai rencontré dans les boutiques, oui, mais pas dans la vie normale. Dans la vie normale, les enfants sont plus libres d'esprit qu'on ne le croit. Pour un enfant, celui qui court plus vite, saute plus haut, est plus grand ou plus petit, sont les différences qu'elles sont en réalité quand on ne lui impose pas la comparaison. J'ai toujours été un membre heureux de cette société. J'ai vécu une socialisation grandeur nature : quand on n'est pas cantonné avec des gens de même âge, qu'on vit avec plein de gens différents, on apprend à faire les choses les uns avec les autres, à conjuguer les expériences, les compétences, plutôt que la compétition. Dans le grand bain social dans lequel j'ai été immergé, il était beaucoup plus important de faire les choses les uns avec les autres plutôt que les uns contre les autres. Je ne me suis jamais senti différent parce que je vis dans un monde de différence: y'avait toujours quelqu'un pour me montrer quelque chose, ou quelqu'un à qui montrer quelque autre chose ; voilà qui supprime le clivage entre les générations. Il ne vient pas à l'idée d'une personne âgée de se comparer avec un enfant, mais bien de vivre un partage d'enthousiasme. C'est précisément cela qui est enrichissant. Ce qui m'a conduit vers mes amis, ce n'est ni notre âge, ni notre lieu d'habitation, mais bien nos communautés d'intérêt !

Si je me suis senti sur des rails, côté guitare, c'était dû à mes personnes de référence, qui avaient donné leur feu vert à ce que je suis, à ma progression. C'est un rôle important d'être la personne de référence, d'avoir l'intention de valider la disposition spontanée de l'enfant. Avec la neurobiologie, on est mis à l'abri du malaise de se sentir différent; se sentir différent est souhaitable, on ne cherche pas à unifier les choses, à les rendre pareilles.

André Stern, luthier - Tamins, Suisse - courtoisie andrestern.com
Édith : Vos heures structurées commencent vers 12-13 ans, est-ce à votre demande ? Les leçons de guitare – et plus tard, d'anglais, d'algèbre, les activités de dinanderie, de tissage, ou de danse – d'une heure par semaine vous semblaient naturelles?

André: Non, pas à 12 ou 13 ans, cela fait partie de ma vie depuis toujours, avec une plus grande présence à cet âge. Ce n'est pas une structure venue à ma demande, et ce n’était pas non plus une organisation de l'apprentissage; cela coulait de source, découlait du reste. Il n'y a pas de liberté sans structure. Par exemples: une structure, une règle personnelle peut être de faire 6 heures de guitare par jour; une structure familiale peut être de se laver les mains avant de manger, ou de manger ensemble; une structure sociale est de rouler à droite. On a besoin de structure. Et puis, si l'algèbre c'était le mercredi à 14h00, il m'était inutile de m'y rendre le dimanche à 10 heures. C'est une structure qu'un enfant comprend très bien et qui le rassure et, justement, lui donne un sentiment de liberté.


Édith : Votre maman vous accompagne à des leçons d'égyptologie. Pour la photo, la dinanderie, elle cherche, discrètement, un atelier, un professionnel ouvert et qui vous accueille sans méthode scolaire. Cette discrétion, de la part de vos deux parents, semble une trame de fond importante à cette vie sans école.

André:La discrétion est importante, oui, comme quand on a un oncle qui est passionné par les cravates, alors on conspire tous ensemble pour lui faire la surprise, tout le monde lui en apporte une. Tout comme pour le collectionneur de bouchons de bouteilles de bière. On est attentif et si on voit quelque chose d'intéressant, on le lui offre. Libéré des attentes, qui sont délétères, nous pouvons nous mettre à la place de notre enfant.


Édith: Je reviens à la musique un moment. Les gens demandent souvent comment entretenir le talent musical de leurs enfants. Ils demandent si le unschooling fournit assez de discipline et de rigueur pour se préparer à une carrière professionnelle en musique. Qu'en pensez-vous?

André : Je ne pars jamais de moi mais toujours de l’enfant. Si les parents écoutent, ou s'ils jouent de la musique, l'enfant est pétri de musique, mais cela ne signifie pas qu’il va la pratiquer. Jamais, je n'essaierai de gagner l'enfant à une de mes préférences. Si ça part de lui, alors il n’est pas nécessaire de chercher à nourrir l’intérêt de l’enfant, cela se fait tout seul, par enthousiasme.

Quant à la discipline, cette question me fait bien marrer. L'apprentissage se fait par l'intérêt qu'on a pour les choses, l'auto-discipline s'installe par le plaisir qu'on a à faire ces choses. On croit, à tort, que la discipline est un cadre imposé de l'extérieur, qu'elle nécessite un système qui force l'enfant à faire quelque chose, à pratiquer. Alors que la discipline naturelle vient de l'enfant, de l'intérieur, elle naît du plaisir et de la curiosité.

Par exemple, quand je pratiquais la guitare 6 heures d'affilée, c'est moi qui imposait ma discipline, mon rythme, à ma famille.

Un autre exemple : Antonin écoute 2 minutes de La Flûte Enchantée de Mozart. À un moment, on le voit réagir au son des clochettes. Il aime bien et après, il s'agite un peu, il a un peu moins envie d'y être puis, tout-à-coup, il entend de nouveau le son des clochettes. Alors, il sait que ce son qu'il apprécie va revenir et il est prêt à rester assis et attendre encore pour les entendre de nouveau.
C'est à cet instant qu'il apprend l'auto-discipline: « Si je reste assis 2 minutes de plus, j'aurai le plaisir d'entendre de nouveau les clochettes », ce qui le conduit à avoir envie de rester 4 minutes de plus, puis 8 minutes de plus, c'est exponentiel. À son rythme, à son moment, il choisit d'écouter 2 minutes de plus. Il écoute et regarde les deux heures de la Flûte Enchantée à tous les jours - tous les jours - il s'agit d'une extrême discipline. À un an et demi, écouter et regarder la Flûte Enchantée tous les jours est de la discipline de très haut niveau – ou tout simplement de l’enthousiasme naturel vécu pleinement.


Édith : Je ne sais pas pour la France, mais ici, au Québec, au Canada, en Amérique, (je précise qu'on ne connaît que très peu le unschooling), les gens ont vécu ce cadre qu'on leur a imposé, et souvent, ils n'arrivent pas à s'en détacher et à en libérer leurs enfants.

André : Il suffit de partir de l'enfant, tout devient simple et l’enthousiasme devient « contagieux ».


Édith : Votre grand-père semble bien présent aussi, de même que vos oncles, des amis de vos parents, leurs enfants également. Ce cercle fait partie de l'environnement que vos parents vous offrent? Ils ont déjà leur appui?

André: Pas forcément, il y a eu beaucoup de doutes de la part de certains membres de la famille. Des convictions indéracinables ne sont pas nécessairement partagées. Mais à partir du moment où chacun voit que, porté par l'enthousiasme, il n'y a pas de souci à se faire pour nos enfants, là ça change.

Arno Stern et André Stern en Inde - courtoisie Institut Arno Stern - Paris
Édith : Vous n'avez jamais comparé ce qui vous était offert avec d'autres copains, des jeunes de votre âge?

André : Ce que je voyais de la vie scolaire n'était pas appétissant. Les enfants n'avaient jamais de temps pour jouer, ils avaient des devoirs après l'école... et dès qu'ils apprenaient que je n'allais pas à l'école, ils me disaient, tous : « quelle chance tu as ! »


Édith : Des copains vous ont passé des tests?

André: Ça ne m'est jamais arrivé. Je le répète, les enfants sont beaucoup plus ouverts que ce qu'on croit. Ce qui compte pour un enfant, c'est de jouer. Et ils prennent note des différences. Ils ne les quantifient pas, ne les qualifient pas.


Édith : Votre livre est aussi un appel à la liberté, à la confiance. Vous vous adressez à un public adulte, aux parents surtout, peut-être aussi aux adolescents. Vous voyez que les parents manquent de confiance en leurs enfants?

André: C'est ce qui caractérise la plupart des parents, ils croient que s'ils ne les éduquent pas, les enfants deviendront des sauvages analphabètes et asociaux. Pourtant, les enfants sont extrêmement compétents. Les enfants viennent au monde avec le meilleur, le plus adapté et le plus incroyable des appareillages d'apprentissage jamais inventés, j'ai nommé le jeu. À partir de là, il n'y a de place que pour la confiance. Ah! Si vous saviez comme les choses sont simples!

Je parle d'extrême compétence de l'enfant, de la capacité d'apprentissage de l'enfant, aussi bien à 5 ans qu'à 85 ans, il a la même capacité d'apprentissage. La seule chose qui définit cet enthousiasme, c'est qu'il conduit à la compétence, puis à la réussite. Il n'y a plus aucun souci à avoir. Je parle parfois à des gens qui sont sans qualification, sans diplôme, et je leur dis qu'il ne faut pas de qualification mais de la compétence, et que celle-ci est le fruit de l'enthousiasme. L'enthousiasme est gratuit, à disposition de chacun. Je suis l'illustration pratique du poids de la confiance. Il faut raconter cette histoire, pour que les parents voient à quel point il faut faire confiance aux enfants.


Édith : Vos parents ou vous-mêmes avez senti, subi des pressions sociales?

André: Jamais! Absolument pas. Quand on est sûr de soi, on s'écarte naturellement des gens qui ont des convictions et / ou des attitudes différentes, on peut choisir ses amis, comme ils nous choisissent, par affinité.


Édith : Vous avez votre propre philosophie de vie? Si oui, quelle est-elle?

André: Non, la neurobiologie n'est pas une philosophie. C'est un soutien, un atout indispensable. Ce n'est pas une philosophie, c'est une attitude, c'est la même que celle de mes parents. C'est d'être dans la vie commune, dans la curiosité, ensemble. Dans l'observation. Dans la curiosité pour le prochain pas, et non le désir d'introduire le prochain pas.

André Stern - par Pauline Stern
Ces mots, qui résument très bien l'attitude d'André Stern, concluent l'entrevue.
Merci beaucoup André de m'avoir accordé cette entrevue alors que vous êtes en plein Festival d'Avignon. Merci pour votre grande générosité !
Édith Chabot-Laflamme
Mardi, le 24 juillet 2012 - 10h00 à Québec, Canada - 16h00 à Avignon, France

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Notes:  
Cette interview a été publiée (en anglais) dans Life Learning Magazine, sept.oct. 2012, et un article en a été tiré pour le magazine VIVRE, noc.déc. 2012.

André Stern a grandi en dehors de toute scolarisation : il raconte son expérience dans deux livres, disponibles en langue allemande aux Editions Zabert-Sandmann ("Und ich war nie in der Schule" - 2009 - 5ème édition, et "Mein Vater, mein Freund" – 2011). 
Le premier a été traduit en français sous le titre: « ...Et je ne suis jamais allé à l'école », aux Éditions Actes Sud – 2011- ISBN: 978-2-330-00012-7

Il sera parmi les conférenciers invités à la Global Home Education Conference, à Berlin, en Allemagne, en novembre prochain. http://www.ghec2012.org/cms/fr/content/intervenants

Pour en savoir plus: http://www.andrestern.com/

En tournée au Québec : Après de multiples conférences dans plusieurs pays d'Europe, André Stern sera en tournée au Québec en mai 2013 (Québec, Estrie, Montréal). 
Pour informations et réservations, visitez le: andrestern.ca