5h30, je m'éveille.
Pas encore de soleil.
Quelque chose murmure à mon oreille.
Je sors désherber. Le murmure s'amplifie : si j'ai pu croire parfois que je souffrais d'un trouble émotif, je sais aujourd'hui que c'est plutôt d'insécurité psychologique qu'il s'agit. Et la source de cette insécurité, c'est mon métier.
Un métier que j'adore, au point au plus rien d'autre ne m'intéresse depuis plus de 25 ans. Le seul travail qui ait fait de moi une personne heureuse. Un métier qui devait être inscrit dans mon épi-génétique ou au plus profond de mes tripes car il allume mes neurones plus vite que lors d'une conférence d'astrophysique. Ça tourne à la vitesse de la lumière là-dedans dès qu'il s'agit de nos enfants. Autrefois accepté, voire valorisé socialement, il est depuis passé dans la marmite (ou sur le bûcher) de la chasse à ces 'sorcières' dont il semble que je descende. Pourtant, je ne fais de mal à personne.
J'aime, je sème, j'arrose,
j'ensoleille, je transplante, je désherbe,
je porte, je câline, je nourris,
je baigne, je débarbouille, j'habille, je montre,
je réconforte, je console, je soigne,
j'écoute, j'invite, j'accueille,
je donne de tout cœur, j'accorde beaucoup d'attention,
je conduis, je marche, je cours,
je danse un peu, je lis beaucoup,
j'invente, je créé, j'imagine,
je téléphone, je solutionne,
je couds, je répare, je compare,
je calcule, je choisis, je planifie,
je consomme judicieusement, je paie religieusement,
j'économise, j'écologise, je véganise,
j'entretiens, je nettoie, je peins, je colore,
je déplace les meubles et les replace, rarement je les remplace,
je jardine, je cuisine, je crusine, je sers,
devant chaque défi, j'ai des yeux partout,
je cherche, j'observe, j'étudie,
j'écris, je photographie,
je témoigne, je documente, je blogue,
je m'engage, je protège, je préserve,
je rencontre, j'organise, je parle,
je défends tout le monde, je défends l'Enfant,
je respecte, je fais confiance,
Je suis mère, et féministe.
Le seul métier qui me rende heureuse, c'est le mien, c'est celui de mère au foyer.
Mère, au foyer, dans le monde, aujourd'hui.
Mais mon métier, il s'est perdu.
On dirait qu'on n'en veut plus.
On veut l'égalité pour tous. (Tous mères - et pères - au foyer alors!?)
On veut beaucoup de bras,
ceux des filles, ceux des gars,
(mais pas trop de nos têtes?)
pour le PIB et les caisses de retraite.
Tant pis pour le mal-être.
On nous a enlisé dans des conditions de survie.
T'es pas heureux? tu le seras plus tard. Sinon, va voir un psy.
Mais aujourd'hui, les psys n'ont plus le temps de respirer.
Et même à tant travailler, on n'a plus les moyens de les payer.
9h00
Alors que je termine cette rédaction, notre fils passe par ici et me dit combien il apprécie ma présence. Comme ça compte, comme ça a toujours beaucoup compté pour lui, que je sois là, au quotidien. Que je sois mère à la maison. (Ça s'invente pas.)
Alors aujourd'hui je me dis que mon métier, et la dignité de qui le choisit, je défendrai aussi. (Oui, les pères aussi !)
Édith