Notre fils a dit ceci il y a longtemps:
«Si un enfant est heureux en utilisant une technologie, ça n'est pas "correct"...Mais si un parent utilise une technologie, et que c'est pour "travailler", produire et faire rouler l'économie, c'est correct.»
Shigeru Miyamoto, créateur des Marios Bros et des séries Zelda et Donkey Kong | (copyright : Nintendo) |
L'an dernier, Stéphane a rencontré cette insinuation au travail; quelqu'un s'est mis à dévaloriser les jeux vidéos. Ce quelqu'un dirait pareil pour la télé d'habitude en disant que c'est sa femme qui regarde, pas lui. Il n'a pas d'enfants mais clame haut et fort à tous les autres (qui sont des parents) que lui, il ne laisserait pas des enfants jouer à des jeux vidéos... ou en tout cas, jamais plus de 30 minutes par jour... et s'ils étaient en colère lors d'un jeu, alors il le retirerait pour de bon. Stef a essayé de répondre calmement mais le monsieur en colère (!) ne voulait rien entendre. En réfléchissant à la situation, j'ai pensé prendre en exemple ce que cette personne aime la prochaine fois qu'ils auront une discussion sur le sujet. Il aime assembler des voitures de collection ? Alors, on pourrait lui demander ce qu'il penserait si quelqu'un venait l'arrêter dans son activité après 30 minutes... parce qu'il fait beau dehors, ou parce qu'il n'a pas eu de moment «d'intégration sensorielle» ce jour-là, ou s'il se met en colère parce que quelque chose ne va pas bien ou quoi que ce soit d'autre.
Néanmoins, je peux comprendre les dessous de cette réaction. L'éducation qu'on m'a donnée m'a fait croire, dès toute petite, que si on fait quelque chose de plaisant, d'amusant, si on «joue», ce n'est pas bien, ce n'est pas utile. Alors que si on fait quelque chose qui ne nous «plaît» pas, c'est bien; si c'est du «travail», c'est utile. Et plus c'est dur, mieux c'est.
Dans notre culture québécoise, depuis plusieurs années, les jeux vidéos (avant, c'était la télé!) ont le dos large pour passer toutes sortes de messages négatifs à nos enfants, des messages insidieux pour contrôler leur vie, surtout, et pour les empêcher de prendre plaisir à ce qui leur fait plaisir... Bizarre, non ?
Par exemple, je lisais une chronique dans le Journal de Québec en avril et l'auteur y racontait que las d'appeler son enfant pour le repas, il l'a surpris en train de lire un roman. Alors, il s'est retiré sur la pointe des pieds... Gonflé d'orgueil, il écrivait comme c'était bon de voir un enfant du 21è siècle prendre du bon temps sans i-pod, jeu vidéo ou autre appareil technologique. Et il répétait le blabla habituel «pour» la lecture et «contre» la-technologie-utilisée-par-des-enfants. En soulignant que la vie n'est pas toujours agréable et que de se droguer (il a bel et bien parlé de drogue) aux romans était une si belle façon d'oublier, contrairement à toute occupation qui nécessiterait autre chose que du papier et de l'encre.
Moi, j'aimerais bien qu'on réfléchisse un peu plus sur ce sujet afin que cessent ces bêtises répétées partout et qui n'ont aucun fondement.
Quand je lis un roman, je plonge (ou pas) dans l'univers et l'histoire inventés par quelqu'un d'autre que moi. Un auteur, une seule personne. J'oublie ma vie et je vis par procuration celle d'un autre, qui n'existe pas dans la vraie vie. Parfois, ça m'aide à exprimer des émotions réprimées ou à mieux saisir des trucs qui se sont passés dans ma vie personnelle, ou encore ça me divertit, me détend, sans compter que je peux y apprendre de nouveaux mots, des tournures de phrase, un style particulier, et bien d'autres trucs à propos de géographie, d'histoire, de sciences, si tant est qu'on en parle dans l'histoire.
The legend of Zelda - Four Swords Adventures |
Bien sûr, j'oublie aussi ma vie et je vis par procuration celle d'un autre, qui n'existe pas dans la vraie vie. Parfois, ça m'aide à exprimer des émotions réprimées, ou à mieux saisir des trucs qui se sont passés dans ma vie personnelle, ou encore ça me divertit, me détend, sans compter que je peux y apprendre de nouveaux mots (la plupart du temps dans une autre langue: l'anglais), des tournures de phrase, un style particulier, et bien d'autres trucs à propos de géographie, d'histoire, de sciences, si tant est qu'on en parle dans l'histoire. Mais encore : de nouveaux mouvements, la détection des mouvements, la stratégie, la rapidité d'exécution, l'adresse, l'interaction entre différents personnages dotés d'une personnalité humaine ou autre (bon, ça c'est pareil pour le roman), tout ça en devant être attentif aux détails tout autour, à l'environnement, à ce qui s'y passe, et à toutes ces actions que je dois poser en apprenant à maîtriser les différents contrôles des différentes manettes ou claviers de jeux.
Et alors, certains parents augmentent le degré de difficulté; essayer de faire tout ça sans dépasser 30 minutes par jour !!! Et sans ressentir de colère quand je passe un niveau hyper difficile ou qu'on me dérange constamment alors que j'ai besoin de toute ma concentration... qu'on ne dérangerait pas si j'avais un objet en papier entre les mains.
Que me reste-t-il alors ?
La mince possibilité, la chance, de savoir être suffisamment invisible pour ne pas être continuellement dérangée - et contrainte - par une autre personne qui s'octroie le droit d'entrer dans mon espace, dans mon temps, dans mon choix d'activité de ce moment de ma vie, pour exiger que j'arrête au beau milieu de la phrase essentielle à saisir pour le reste de l'aventure de mon personnage, à un endroit ou il est peut-être impossible de sauvegarder ma partie.
Dans un jeu, on ne peut pas mettre un signet n'importe où; peut-être parce que la programmation est déjà tellement lourde. Il n'est donc pas possible de fermer la console de jeux - pour ainsi économiser l'électricité - sans avoir atteint un point de sauvegarde. Sinon, on perd tout ce qu'on vient de réaliser, ce qui n'a pas d'équivalent pour le roman. Oublier plusieurs pages et devoir les lire de nouveau est une chose; devoir refaire la quête, traverser de nouveau des épreuves souvent difficiles, ce n'est pas amusant lorsqu'on ne l'a pas choisi.
Si vous faites le choix de croire - et d'imposer votre croyance - que lire (ou une autre activité) est tellement-plus-mieux pour une autre personne que vous-même, j'aimerais vous lancer un défi: vous pourriez vous rendre au club vidéo, louer le dernier jeu de la série Zelda (et une console si vous n'avez pas la chance d'en avoir une chez vous) et essayer de «lire» l'histoire. Au complet !
Après, on en reparlera.
Si vous voulez.
Si vous voulez.
Edith
P.S. Si un enfant est heureux en utilisant une technologie et que ça n'est pas bien, mais que lorsque c'est un adulte qui utilise une technologie pour travailler, produire et faire rouler l'économie, c'est correct, alors les adultes qui travaillent pour Nintendo, Apple, Google, Yahoo, Sony, Microsoft, - et qui probablement s'amusent aussi - on les met dans quelle case au juste ? S'ils s'amusent à fabriquer des jeux que des enfants vont utiliser, doit-on le leur interdire ? Et quand ce sont des adultes qui jouent aux jeux vidéos, est-ce correct même si ce n'est pas «travailler» ?
P.S. Si un enfant est heureux en utilisant une technologie et que ça n'est pas bien, mais que lorsque c'est un adulte qui utilise une technologie pour travailler, produire et faire rouler l'économie, c'est correct, alors les adultes qui travaillent pour Nintendo, Apple, Google, Yahoo, Sony, Microsoft, - et qui probablement s'amusent aussi - on les met dans quelle case au juste ? S'ils s'amusent à fabriquer des jeux que des enfants vont utiliser, doit-on le leur interdire ? Et quand ce sont des adultes qui jouent aux jeux vidéos, est-ce correct même si ce n'est pas «travailler» ?
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