En attendant des nouvelles du procès qui a eu lieu cet après-midi à 15h00 (9h00, heure du Québec), à Bourg-en-Bresse, nous faisons suivre ici une interview de Sylvie Martin Rodriguez publiée sur le site Mes Premières Lectures la semaine dernière. La meilleure entrevue que nous ayons eu la chance de lire jusqu'à maintenant, avec tous les détails et beaucoup d'informations qui sont trop souvent occultées, en tout ou en partie, par les médias.
On a vraiment l'impression que le cas de cette famille est en train de servir d'exemple et c'est franchement odieux. Nous ne savons pas encore ce qu'il est advenu du jugement, si l'Éducation Nationale a été déboutée ou pas, s'il y aura des suites à cette affaire, nous transmettrons les nouvelles ici dès que nous en aurons.
Et pour ceux qui croient que c'est différent ici, et bien, ça ne l'est pas tant que ça. La plus grande différence réside dans une partie de la loi. Ici, on ne parle pas de socle commun à 16 ans mais d'équivalence de l'enseignement et de l'expérience éducative. Pour le reste, la vie est semblable, les enfants sont enfermés à l'école et contraints sans aucune raison, et leurs besoins ne sont pas respectés. Nous saluons à nouveau le courage de cette famille et de toutes celles qui les soutiennent car c'est l'absence de ce soutien social (moral et financier) essentiel qui est le plus dur à vivre. Nous le savons, nous l'avons vécu.
Edith
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La publication originale est ici: http://www.mespremiereslectures.com/Interview-de-Sylvie-Martin.html
Sylvie Martin-Rodriguez |
Interview de Sylvie Martin Rodriguez
Elle raconte comment sa famille est menacée par l’éducation Nationale !
Auteur des 10 plus Gros mensonges sur l’école à la maison
Elle instruit ses enfants elle-même et nous raconte son quotidien et ses tribulations vis-à-vis de l’éducation Nationale, contre laquelle sa famille est en bras de fer depuis 3 ans.
Interview de Sylvie Martin Rodriguez, 44 ans, qui d’une part participe à
l’entreprise de son mari, Régis, et d’autre part se consacre
pleinement, surtout et avant tout à ses enfants, leur bien-être et leur
instruction.
Mes Premières Lectures : Bonjour Sylvie Martin Rodriguez, vous nous présentez toute la famille ?
Sylvie Martin Rodriguez : Régis, mon mari a 44 ans, il est fabricant de tentes nomades (yourtes, tipis et surtout de tentes western …), ce qui lui permet de travailler à la maison. J’ai 44 ans également. Nous nous connaissons depuis l’âge de 11 ans. Tom a 12 ans et demi et Lilou 9 ans et demi.
Mes Premières Lectures : Vous habitez à la campagne et avez fait en sorte de concilier vie professionnelle et vie de famille.
Sylvie Martin Rodriguez : Oui, avec Régis nous avons fait le choix de faire un travail qui nous permette de rester en famille. Et lorsque nous partons pour livrer les chariots et tentes, cela nous permet de faire le déplacement tous ensemble et de visiter la région où nous allons. Au quotidien, Régis fabrique les tentes et moi je m’occupe du reste. On habite à la montagne, à un peu plus de 900 mètres d’altitude.
Mes Premières Lectures : Pourquoi avoir fait le choix de l’instruction de vos enfants à la maison ?
Sylvie Martin Rodriguez : C’est un choix déjà très ancien. Nous avions déjà fait le choix avec Régis, de ne pas mettre nos enfants à l’école avant même d’en avoir… Nous sommes restés sur ce que nous avions décidé, parce que nous sommes contre le système scolaire et l’élevage en groupe. C’est-à-dire, contre le fait qu’il n’y ait aucun respect de l’individualité de chaque enfant ; contre le fait que l’apprentissage soit le même pour tous ; les horaires très strictes, le fait d’être obligé d’aller à l’école. Mais aussi toute la violence qu’il y a à l’école. La violence de l’institution elle-même, avec les horaires, le non respect des rythmes des enfants etc, et puis la violence des enfants entre eux, de certains enseignants sur les enfants…
Mes Premières Lectures : L’idée, pour vous, c’était de protéger vos enfants de tout cela ?
Sylvie Martin Rodriguez : Il y a deux raisons pour lesquelles nous avons choisi l’instruction en famille pour nos enfants : en tant que parents, nous voulons protéger nos enfants. La seconde raison, c’est que Régis et moi aimons être avec nos enfants. Ils sont nés, on les a élevés, on était ensemble et on reste ensemble. Pour nous c’est naturel de vivre avec eux. Il y a toutes les raisons évoquées ci-dessus, mais il y a ça aussi. Et puis nous sommes vraiment très libres. On peut partir quand on veut, ils apprennent à leur rythme. Nous sommes est tous très très libres.
Mes Premières Lectures : Comment vous vous êtes préparés à instruire vos enfants à la maison ?
Sylvie Martin Rodriguez : Au tout début nous n’y étions pas préparés. . Nous avions fait ce choix avant la naissance des enfants. Nous nous sommes dit que nous verrions le jour venu. Et puis le moment venu, nous avons regardé ce qui existait, les associations, sur Internet, des choses comme ça. Nous avons eu des contacts, nous avons commencé à voir que d’autres familles faisaient la même chose, que d’autres familles avaient des enfants déjà grands, que d’autres avaient des enfants adultes… Nous avons posé des questions, nous nous sommes un peu intéressés à tout ça, nous avons rencontré des gens et puis cela s’est fait de façon assez naturelle. Les enfants grandissent, on voit comment ils fonctionnent et surtout, tant qu’on est ouverts sur le monde, apprendre, ce n’est pas difficile. Les enfants ont appris tellement de choses ! Ne serait-ce qu’avec les amis, avec les copains, avec les sorties, avec les voyages, et il ne faut surtout pas négliger Internet. Internet, c’est énorme ; ça représente un gros pourcentage de leurs apprentissages et de leurs connaissances. Lorsque nous connaissons le sujet auquel ils s’intéressent, on répond, on approfondit, on achète les bouquins, etc ou on ne connaît pas et on va chercher l’info où elle est : chez les spécialistes, sur Internet, dans les bouquins... On trouve toujours l’information dont on a besoin.
Mes Premières Lectures : Pas d’horaires stricts, pas de programme préétabli, l’apprentissage informel se déroule au fil des envies des enfants et des circonstances ?
Sylvie Martin Rodriguez : Quand ils étaient petits, cela se passait vraiment comme ça. En grandissant, c’est un peu plus compliqué. Nous approfondissons les choses de façon plus sérieuse, et lorsque c’est vraiment un sujet qui les passionne, on va très loin dans le détail. Mais oui, cela se passe un peu comme ça. A leur âge ils savent lire écrire et compter, leur culture générale est énorme, avec Internet, avec les documentaires, les films, les dessins animés, avec toutes les revues auxquelles nous sommes abonnés. Nous lisons beaucoup, beaucoup, beaucoup… Nous sommes dispo pour répondre à n’importe quelle question. Quand on regarde un documentaire ou un film, ou quoi que ce soit avec eux, ils ont toujours des milliers de questions à poser. Donc, quand on répond de façon sérieuse, cela approfondi leurs connaissances.
Mes Premières Lectures : Ecole à la maison et apprentissage du collectif, comment ça se gère ?
Sylvie Martin Rodriguez : En ce qui concerne la sociabilité, on ne fait rien de particulier, parce que Régis et moi sommes sociables. Nous avons beaucoup de copains, copains qui ont des enfants. On se voit tout le temps. C’est très très rare qu’il n’y ait pas quelqu’un à la maison. Les enfants sont nés dans ce contexte. Un enfant n’a pas à devenir sociable, parce qu’un enfant c’est un petit humain et c’est dans sa nature que d’être sociable. Les enfants qui ne le sont pas ont été abîmés. Et surtout, quand l’école nous parle d’enfants sociables, ça me fait rire. Parce qu’avec ce qui se passe dans les cours de récré, si c’est ce qu’ils appellent sociabilité… heu.. Alors oui, je peux leur en apprendre. Alors évidemment pour nous c’est très très important parce que pour nos enfants, les copains, c’est l’essentiel, c’est leur bonheur, ils adorent jouer, ils adorent voir leurs copains. Donc c’est vraiment la priorité absolue dans notre famille. Attention, je ne suis pas en train de dire que voir beaucoup de monde, c’est indispensable. Moi j’ai énormément de respect pour les enfants qui sont timides, et pour les gens qui sont sauvages, et je ne porte aucun jugement là-dessus. On a quand même aussi le droit, en France, d’être timide et sauvage et de pas avoir envie de voir du monde. Bon ce n’est pas notre cas, et heureusement parce qu’alors, l’éducation nationale nous serait tombée dessus encore plus fort que ce qu’elle le fait déjà.
Mes Premières Lectures : En France, ça n’est pas l’école mais l’Instruction qui est obligatoire de 6 à 16 ans n’est-ce pas ? Comment ça se passe lorsqu’on fait l’école à la maison ?
Sylvie Martin Rodriguez : Oui. Il faut qu’à 16 ans, l’enfant ait acquis le socle commun de connaissance établi par l’éducation nationale. Ça, c’est la loi. Nous, en tant que famille qui instruit à la maison, n’avons pas à suivre les programmes scolaires, et nos enfants n’ont pas à avoir un niveau équivalent aux enfants scolarisés au même âge. Par contre, à 16 ans, ils doivent avoir acquis le socle commun de connaissances. Ils doivent en avoir la maîtrise, ce qui n’est pas d’ailleurs le cas des élèves de l’éducation nationale. Une première injustice.
D’un point de vue pratique, on doit faire une déclaration d’instruction en famille chaque année auprès de l’éducation nationale.
Mes Premières Lectures : Comment se passent les relations avec l’éducation nationale ?
Sylvie Martin Rodriguez : L’éducation nationale ne nous facilite pas du tout les choses, elle nous met des bâtons dans les roues sans arrêt, elle nous gâche la vie alors qu’on avait une vie qui était vraiment très très chouette. Maintenant on vit un enfer au quotidien parce qu’on ne sait absolument pas ce qui va nous tomber sur la tête. Simplement parce que nous avons refusé d’obéir aux exigences illégales d’un inspecteur d’Académie. Comme ils ont l’habitude d’être obéis au doigt et à l’œil, ils se vexent facilement visiblement, et donc depuis 3 ans, nous sommes en procédure avec l’éducation nationale.
Mes Premières Lectures : Quelles étaient ces exigences « illégales » ?
Sylvie Martin Rodriguez : Il faut d’abord expliquer que d’une part, il y a la loi sur l’école à la maison, et d’autre part, les habitudes de l’éducation nationale. Ce sont deux choses totalement différentes. Quoi qu’ils en disent, à l’éducation nationale, ils n’aiment pas l’idée de l’existence de l’école à la maison. Ils aiment bien arriver en cow-boys fringants qui viennent sauver ces pauvres enfants enfermés dans leurs familles et qui ne voient jamais la lumière du jour. Donc, ils arrivent en étant vraiment très méprisants, et vraiment sûrs de leur bon droit, et exigent des modalités de contrôle que la loi n’exige pas. Et notamment, de tester les enfants, c’est-à-dire de les évaluer en leur posant des questions à l’oral et à l’écrit. La loi dit qu’ils doivent venir vérifier l’instruction donnée aux enfants. A partir de cette phrase, chacun interprète comme il veut. Eux l’interprètent en décidant qu’ils ont le droit de tester les enfants. La loi ne parle pas du tout de test, elle dit qu’il faut vérifier l’enseignement. De même que dans les écoles : ils font confiance aux notes que l’enseignant donne, et ne vont pas interroger individuellement les 30 élèves de chaque classe, pour voir si réellement ils sont instruits. Et bien pour nous, c’est pareil. Nous exigeons d’être traités de la même façon, c’est-à-dire que nous ne voulons pas être soupçonnés de mensonges lorsque nous détaillons l’instruction donnée à nos enfants. Lors du contrôle, nous sommes prêts à montrer toutes nos ressources, toutes les traces des travaux des enfants, à leur dire ce qu’ils savent ou pas, ce qu’ils sauront, etc… Nous leur avons même proposé de rester plusieurs jours s’ils le souhaitent pour constater l’instruction des enfants. Ils ont refusé. Mais par contre ils ne les testeront pas !
Ça ils ne peuvent pas l’avaler, du coup, on se retrouve au tribunal correctionnel.
Mes Premières Lectures : Des contrôles ont-ils déjà pu se faire auprès de vous ?
Sylvie Martin Rodriguez : Il y a eu un premier contrôle en 2009, et c’est de là que tout est parti. A l’époque, nous avions envoyé un premier courrier pour confirmer que nous allions recevoir l’inspectrice, tout en la prévenant que les enfants ne seraient pas testés, sans exiger quoi que ce soit d’autre. Elle n’a pas répondu et est arrivée le jour J, avec une seconde personne sans nous en avoir informés. Elle a voulu tout de suite tester les enfants. Nous nous y sommes opposé en lui répondant « mais enfin vous n’avez pas lu notre courrier ? ». Nous lui avons mis la loi sous le nez et elle nous a répondu « moi la loi, je m’en fous, ça ne me concerne pas, je ne veux rien savoir, vos enfants seront scolarisés en septembre ». Nous avons répondu que, dans ce cas, nous irions en justice. Nous lui avons alors demandé de nous mettre par écrit qu’elle refusait de regarder nos ressources et travaux d’apprentissages. Elle s’est calmée, et elle a commencé à jeter un œil sur les ressources. Nous nous sommes aperçus que pendant le contrôle, elle changeait d’avis sur nous.
Le problème, c’est qu’elle est repartie sans ses feuilles de tests remplies, et plutôt que de se faire taper sur les doigts, elle a fait un rapport dans lequel elle dit qu’elle n’a pas pu se rendre compte de l’instruction des enfants. Ce n’était pas vrai, mais elle n’a pas voulu se faire taper sur les doigts par sa hiérarchie à mon avis. Son supérieur, l’inspecteur d’académie, sans nous connaître, sans jamais nous avoir vus ni entendus, nous a menacés de signalement pour enfants en danger. Nous avons porté plainte. Plainte qui n’a pas été pris en compte, car il s’agissait d’une simple plainte sans avocat. C’est là que la guerre a commencé.
Mes Premières Lectures : C’est une guerre des nerfs c’est ça ?
Sylvie Martin Rodriguez : Oui, parce que le procès devait avoir lieu le 15 novembre 2011. Le jour J, les médias étaient présents, des gens s’étaient déplacés de partout en France, l’avocat venait de Nice, et le procès a été reporté… Tout ça pour rien. Sans compter les frais de justice.
Mais guerre des nerfs ou pas, on ne lâchera pas.
Mes Premières Lectures : Aujourd’hui vous êtes convoqués en procès pour un délit que vous n’avez pas commis, c’est cela ?
Sylvie Martin Rodriguez : Oui, nous sommes convoqués au tribunal correctionnel de Bourg En Bresse à 15h le 22 mai 2012, (4 rue du Palais) pour avoir refusé d’inscrire les enfants après mise en demeure de l’inspecteur d’Académie. Une mise en demeure que nous n’avons jamais reçue. Nous sommes aussi accusés de faire obstacle au contrôle de l’inspection d’académie. Alors que nous ne refusons pas le contrôle, nous demandons seulement à ce qu’il se fasse dans des conditions respectueuses et qu’ils nous confirment par écrit qu’ils ne testeront pas les enfants.
Début janvier pourtant, nous avons reçu la lettre que nous attendions depuis 3 ans, une lettre de l’inspecteur, ultra respectueuse, indiquant qu’il ne testerait pas les enfants. Il l’a écrit noir sur blanc ! Donc, nous avons accepté le contrôle, qu’il a annulé un quart d’heure avant l’heure prévue, alors que nous avions tout préparé et que nous l’attentions. C’était en février 2012.
A l’inspection, ils affirment qu’ils s’inquiètent pour les enfants. Ce qui ne les a pas empêchés d’annuler le contrôle sans aucune explication. Un mois et demi après l’annulation de dernière minute, nous recevons une nouvelle demande de contrôle. Par contre, dans ce courrier, il n’est plus question de ne plus tester les enfants d’une part, et d’autre part, ils ont décidé de venir à trois inspecteurs ! Nous supposons qu’il y a un lien avec la nouvelle circulaire.
D’autres familles vivent la même chose que nous, nous sommes loin d’être les seuls. L’instruction et le bien-être des enfants ne sont pas en cause une seule seconde dans toutes ces procédures. C’est simplement parce que nous n’avons pas obéit aux abus de pouvoirs des inspecteurs de l’éducation Nationale que nous en sommes là.
Nous sommes terrifiés. On croise les doigts. Nous savons que nous sommes dans le juste.
De nombreuses personnes ont déclaré vouloir venir nous soutenir sur place, j’espère que ce sera le cas.
Mes Premières Lectures : Si vous aviez su que ça se passerait aussi mal ? Auriez-vous fait autrement ? Avez-vous des regrets ?
Sylvie Martin Rodriguez : Aucun regret, mais aucun ! Je crois que parfois, à l’éducation nationale, ils ont tellement l’habitude de voir des gens résignés qu’ils se rendent pas compte qu’il existe des gens qui sont prêts à batailler jusqu’à un point qu’ils n’imaginent pas. Imaginer mes enfants dans une école, c’est totalement inconcevable. Et pour n’importe quel professeur de ma région, je peux vous assurer qu’aucun n’aurait envie de m’avoir comme parent d’élève. Ce n’est pas concevable d’enfermer mes enfants entre quatre murs avec des instits qui vont faire un cours pour 30 élèves, sans aucune liberté ...
Évidemment que si c’était à refaire, nous referions la même chose ! Nous sommes dans notre bon droit. Nos enfants sont heureux, ils sont instruits et c’est tout ce qui compte.
Et nous n’avons pas attendu l’obligation légale d’instruction à 6 ans pour commencer à instruire nos enfants, ils le sont depuis qu’ils sont tout-petits. A 6 ans cela faisait déjà longtemps que je lisais des histoires à mon loulou, que nous faisions des jeux et des tas d’autres choses.
Mes Premières Lectures : Pouvez-vous nous parler de l’appel à la désobéissance que vous lancez ?
Sylvie Martin Rodriguez :
L’appel à la désobéissance et notre procès sont deux choses distinctes, bien que liées d’une certaine manière. C’est- à dire que depuis 1998, les hommes et femmes politiques de tous bords, veulent interdire l’école à la maison, c’est une certitude. Mais ils n’en ont pas le droit, puisque la liberté d’enseignement et de conscience font partie de notre constitution. Donc, ils essaient de l’interdire de façon détournée. Et c’est vrai que la plupart des associations ne se sont pas mises en travers de ces intentions. Petit à petit, au fil des années, les lois se sont durcies. Nous avons de plus en plus de restrictions, nous sommes traités comme des gens qui enferment leurs enfants dans des sectes, il y a des rumeurs qui courent, comme si nous étions des bourreaux d’enfants qui les enferment et ne les laissent pas voir la lumière du jour. Ce sont des choses qui ne sont pas vraies mais qui font le lit des préjugés sur l’école à la maison.
Sans parler du fait que ne pas mettre son enfant à l’école est le sacrilège absolu en France. L’éducation nationale est une véritable religion. Quand je pense qu’elle se dit « laïque », c’est quand même rigolo. Parce que quand on ne met pas son enfant à l’école on subit des pressions inouïes, et notamment, de la part de l’éducation nationale.
C’est assez nouveau qu’il y ait des familles qui se rebellent contre les abus des inspecteurs, car évidemment on est loin, loin, loin d’être les seuls à subir ce genre d’injustice. Mais la plupart du temps, quand les familles sont menacées d’être signalées au procureur, elles laissent tomber parce qu’elles ont peur. C’est compréhensible, car la menace qui plane au-dessus de leurs têtes, c’est la menace de leur enlever leurs enfants ! Même si, bien sûr, ce n’est pas dit de façon aussi claire.
Donc tout le monde laisse tomber.
Comme il y a de plus en plus de familles qui résistent désormais, ils essaient de rendre les choses de plus en plus sévères.
En janvier 2012, ils ont pondu une nouvelle circulaire sur l’obligation scolaire, qui permet aux inspecteurs de poursuivre les familles à la moindre contestation. Ce n’est pas compliqué : si la famille dit « là je ne suis pas d’accord vous n’avez pas le droit… », la circulaire leur permet de considérer que c’est une façon de faire obstacle au contrôle : signalement au procureur.
Dans mon appel à la désobéissance, je décortique bien tout cela de 1998 à aujourd’hui. Nous pouvons nous apercevoir alors que le but, c’est d’interdire l’école à la maison. En passant par la dissuasion des familles à se rebeller et à faire ce choix. Car les familles qui vont faire ce choix (d’instruction en famille), vont se retrouver harcelées et discriminées en permanence.
Attention : mon appel à la désobéissance est un appel à la désobéissance à la circulaire mais pas à la loi. Une circulaire est un document interne auquel les employés d’une institution doivent se plier, mais il ne nous concerne pas. Ce n’est pas une loi et les particuliers n’ont pas à s’y plier.
Cette circulaire est totalement discriminatoire, et, que je sache, la discrimination est interdite en France.
La circulaire exige des tas de choses qui ne sont pas dans la loi, mais la plupart des familles confondent un peu tout. Il faut convaincre les familles de désobéir parce que 95% des familles y obéissent, par ignorance souvent, car elles ne savent pas qu’elles ont le droit d’y désobéir, pendant que d’autre obéissent par peur.
Il faut se défendre puisqu’on nous attaque. Si nous ne le faisons pas, beaucoup de familles vont se retrouver devant un juge de façon terriblement injuste alors qu’elles n’auront rien fait. Alors qu’elles auront respecté la loi : celle d’instruire les enfants.
Se battre permet parfois de faire changer les choses. Moi, je refuse d’être considérée comme quelqu’un qui serait dans une secte, en train d’enfermer mes enfants parce que je fais le choix sacrilège de ne pas les mettre à l’école.
Mes Premières Lectures : Hors des murs, pourquoi ce nom là pour le site Internet que vous avez créé avec des amis ?
Sylvie Martin Rodriguez : C’est pour dire qu’en dehors des murs de l’école, il existe des familles qui vivent autrement et qui vivent bien. Mon but n’était pas de faire l’apologie de l’école à la maison. Je n’attaquerais pas l’école si elle ne m’avait pas attaquée. A partir du moment où j’ai été attaquée, je me défends. Quand ils laisseront les familles tranquilles, ils n’entendront plus parler de nous. adresse du site ICI .
Mes Premières Lectures : Quelles idées reçues voulez-vous balayer au passage ?
Sylvie Martin Rodriguez : Nous sommes des familles normales, tout simplement. Souvent, l’instruction à la maison est perçue soit comme un choix réservé à des familles très aisées, donc, un choix réservé à peu de gens, ce qui rassure tout le monde ; soit comme un choix fait par des familles complètement allumées qui vivent pied nus, les enfants à poil, la morve au nez. On montre toujours des caricatures qui font que les gens ne se sentent pas concernés. Alors que la plupart d’entre-nous sommes des gens comme les autres, comme dans n’importe quel milieu.
Nous avons décidé de relever la tête, ce qui pose problème à l’éducation nationale. Parce que j’estime qu’une institution qui a des résultats comme l’éducation nationale en France, n’a de leçons à donner à personne.
Mes Premières Lectures : Où trouvez-vous l’énergie de vous battre ?
Sylvie Martin Rodriguez : D’abord, c’est l’instinct de survie. Ensuite, l’énergie, je la trouve grâce à mes amis, qui sont extrêmement courageux, ou grâce à des connaissances qui nous défendent mordicus. Nous sommes tous très soudés. Nous sommes de plus en plus nombreux à résister.
J’ai reçu plus d’une centaine de signatures pour l’appel à la désobéissance, y compris de gens qui ne font pas l’école à la maison mais qui soutiennent les signataires.
Mes Premières Lectures : Vous êtes aussi auteur… Un ouvrage intitulé les 10 plus gros mensonges sur l’école à la maison paru en 2008.
Sylvie Martin Rodriguez : Oui justement en 2007, à travers Georges Fenech, président de l’association de la Miviludes, l’éducation nationale a essayé encore une fois, tout en le niant, d’interdire l’école à la maison. Ils voulaient faire passer un amendement qui aurait autorisé seulement les familles avec des enfants handicapés, ou les gens du voyage, ou les familles partant faire un périple autour du monde… de faire l’école à la maison. Ce qui revenait à dire que, pour tous les autres, ce serait interdit.
Cela m’a rendue folle de rage. Une amie m’a parlé de la collection « les 10 plus gros mensonges » ; je les ai appelés, ils ont dit oui tout de suite. Et j’ai écrit le livre.
Il n’est plus totalement d’actualité puisqu’il s’est passé pas mal de choses depuis. Je citais pas mal les associations à cette époque, mais je ne m’étais pas rendu compte à quel point, en réalité, elles font un travail de sape sur le sujet. Elles n’agissent pas. Si nous sommes nombreux dans des situations difficiles aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elles ne font rien de concret, hormis de dire de temps en temps qu’elles ne sont pas d’accord, tout en demandant à ce que la loi soit respectée. Mais cela reste à l’état de paroles et ne se traduit pas en actes. Les gens suivent ce que disent les associations ; Quand rien de concret n’est fait, c’est du pain béni pour l’éducation nationale qui doit bien rigoler...
Mes Premières Lectures : ça ne vous a pas donné envie de créer votre propre association du coup ?
Sylvie Martin Rodriguez : Au contraire, parce qu’en étant libres, nous pouvons agir, sans demander l’autorisation à qui que ce soit. Les gens qui veulent nous soutenir peuvent le faire librement. Ceux qui ne le veulent pas ne le font pas, mais au moins, on ne passe des mois en blabla. Dans les asso, il y a toujours quelqu’un pour chipoter et empêcher l’action.
Nous nous cotisons pour payer les frais de justice qui coûtent très cher (c’est aussi sur les finances que compte l’éducation nationale pour que les familles abandonnent).
A chaque fois qu’une famille est en souci, on se cotise. De cette façon, chaque famille est soutenue pour payer les frais de justice.
Mes Premières Lectures : Pour conclure sur une note littéraire, quels sont les livres de chevet dans la famille Rodriguez-Martin en ce moment ?
Sylvie Martin Rodriguez : Régis est un fan d’histoire, il ne peut lire que des romans historiques. Moi je lis Dune en ce moment, parce que j’aime bien les sagas et le fantastique.
Avec mes enfants on lit ensemble Fablehaven, il y a 5 tomes. Il s’agit d’aventures magiques avec des animaux imaginaires etc. on lit ça tous les soirs.
Tom lit la trilogie d’Ewilan. Il est aussi fan de BD.
Et Lilou est dans les Fables de La Fontaine et les contes de Grimm. Ce qui ne vient pas de moi, parce que j’ai horreur des fables et des poésies. Mais même si je n’aime pas, je mets à disposition ce que les enfants demandent.
Mes Premières Lectures : Merci Sylvie Martin Rodriguez pour cet échange.
Mes Premières Lectures : Bonjour Sylvie Martin Rodriguez, vous nous présentez toute la famille ?
Sylvie Martin Rodriguez : Régis, mon mari a 44 ans, il est fabricant de tentes nomades (yourtes, tipis et surtout de tentes western …), ce qui lui permet de travailler à la maison. J’ai 44 ans également. Nous nous connaissons depuis l’âge de 11 ans. Tom a 12 ans et demi et Lilou 9 ans et demi.
Mes Premières Lectures : Vous habitez à la campagne et avez fait en sorte de concilier vie professionnelle et vie de famille.
Sylvie Martin Rodriguez : Oui, avec Régis nous avons fait le choix de faire un travail qui nous permette de rester en famille. Et lorsque nous partons pour livrer les chariots et tentes, cela nous permet de faire le déplacement tous ensemble et de visiter la région où nous allons. Au quotidien, Régis fabrique les tentes et moi je m’occupe du reste. On habite à la montagne, à un peu plus de 900 mètres d’altitude.
Mes Premières Lectures : Pourquoi avoir fait le choix de l’instruction de vos enfants à la maison ?
Sylvie Martin Rodriguez : C’est un choix déjà très ancien. Nous avions déjà fait le choix avec Régis, de ne pas mettre nos enfants à l’école avant même d’en avoir… Nous sommes restés sur ce que nous avions décidé, parce que nous sommes contre le système scolaire et l’élevage en groupe. C’est-à-dire, contre le fait qu’il n’y ait aucun respect de l’individualité de chaque enfant ; contre le fait que l’apprentissage soit le même pour tous ; les horaires très strictes, le fait d’être obligé d’aller à l’école. Mais aussi toute la violence qu’il y a à l’école. La violence de l’institution elle-même, avec les horaires, le non respect des rythmes des enfants etc, et puis la violence des enfants entre eux, de certains enseignants sur les enfants…
Mes Premières Lectures : L’idée, pour vous, c’était de protéger vos enfants de tout cela ?
Sylvie Martin Rodriguez : Il y a deux raisons pour lesquelles nous avons choisi l’instruction en famille pour nos enfants : en tant que parents, nous voulons protéger nos enfants. La seconde raison, c’est que Régis et moi aimons être avec nos enfants. Ils sont nés, on les a élevés, on était ensemble et on reste ensemble. Pour nous c’est naturel de vivre avec eux. Il y a toutes les raisons évoquées ci-dessus, mais il y a ça aussi. Et puis nous sommes vraiment très libres. On peut partir quand on veut, ils apprennent à leur rythme. Nous sommes est tous très très libres.
Mes Premières Lectures : Comment vous vous êtes préparés à instruire vos enfants à la maison ?
Sylvie Martin Rodriguez : Au tout début nous n’y étions pas préparés. . Nous avions fait ce choix avant la naissance des enfants. Nous nous sommes dit que nous verrions le jour venu. Et puis le moment venu, nous avons regardé ce qui existait, les associations, sur Internet, des choses comme ça. Nous avons eu des contacts, nous avons commencé à voir que d’autres familles faisaient la même chose, que d’autres familles avaient des enfants déjà grands, que d’autres avaient des enfants adultes… Nous avons posé des questions, nous nous sommes un peu intéressés à tout ça, nous avons rencontré des gens et puis cela s’est fait de façon assez naturelle. Les enfants grandissent, on voit comment ils fonctionnent et surtout, tant qu’on est ouverts sur le monde, apprendre, ce n’est pas difficile. Les enfants ont appris tellement de choses ! Ne serait-ce qu’avec les amis, avec les copains, avec les sorties, avec les voyages, et il ne faut surtout pas négliger Internet. Internet, c’est énorme ; ça représente un gros pourcentage de leurs apprentissages et de leurs connaissances. Lorsque nous connaissons le sujet auquel ils s’intéressent, on répond, on approfondit, on achète les bouquins, etc ou on ne connaît pas et on va chercher l’info où elle est : chez les spécialistes, sur Internet, dans les bouquins... On trouve toujours l’information dont on a besoin.
Mes Premières Lectures : Pas d’horaires stricts, pas de programme préétabli, l’apprentissage informel se déroule au fil des envies des enfants et des circonstances ?
Sylvie Martin Rodriguez : Quand ils étaient petits, cela se passait vraiment comme ça. En grandissant, c’est un peu plus compliqué. Nous approfondissons les choses de façon plus sérieuse, et lorsque c’est vraiment un sujet qui les passionne, on va très loin dans le détail. Mais oui, cela se passe un peu comme ça. A leur âge ils savent lire écrire et compter, leur culture générale est énorme, avec Internet, avec les documentaires, les films, les dessins animés, avec toutes les revues auxquelles nous sommes abonnés. Nous lisons beaucoup, beaucoup, beaucoup… Nous sommes dispo pour répondre à n’importe quelle question. Quand on regarde un documentaire ou un film, ou quoi que ce soit avec eux, ils ont toujours des milliers de questions à poser. Donc, quand on répond de façon sérieuse, cela approfondi leurs connaissances.
Mes Premières Lectures : Ecole à la maison et apprentissage du collectif, comment ça se gère ?
Sylvie Martin Rodriguez : En ce qui concerne la sociabilité, on ne fait rien de particulier, parce que Régis et moi sommes sociables. Nous avons beaucoup de copains, copains qui ont des enfants. On se voit tout le temps. C’est très très rare qu’il n’y ait pas quelqu’un à la maison. Les enfants sont nés dans ce contexte. Un enfant n’a pas à devenir sociable, parce qu’un enfant c’est un petit humain et c’est dans sa nature que d’être sociable. Les enfants qui ne le sont pas ont été abîmés. Et surtout, quand l’école nous parle d’enfants sociables, ça me fait rire. Parce qu’avec ce qui se passe dans les cours de récré, si c’est ce qu’ils appellent sociabilité… heu.. Alors oui, je peux leur en apprendre. Alors évidemment pour nous c’est très très important parce que pour nos enfants, les copains, c’est l’essentiel, c’est leur bonheur, ils adorent jouer, ils adorent voir leurs copains. Donc c’est vraiment la priorité absolue dans notre famille. Attention, je ne suis pas en train de dire que voir beaucoup de monde, c’est indispensable. Moi j’ai énormément de respect pour les enfants qui sont timides, et pour les gens qui sont sauvages, et je ne porte aucun jugement là-dessus. On a quand même aussi le droit, en France, d’être timide et sauvage et de pas avoir envie de voir du monde. Bon ce n’est pas notre cas, et heureusement parce qu’alors, l’éducation nationale nous serait tombée dessus encore plus fort que ce qu’elle le fait déjà.
Mes Premières Lectures : En France, ça n’est pas l’école mais l’Instruction qui est obligatoire de 6 à 16 ans n’est-ce pas ? Comment ça se passe lorsqu’on fait l’école à la maison ?
Sylvie Martin Rodriguez : Oui. Il faut qu’à 16 ans, l’enfant ait acquis le socle commun de connaissance établi par l’éducation nationale. Ça, c’est la loi. Nous, en tant que famille qui instruit à la maison, n’avons pas à suivre les programmes scolaires, et nos enfants n’ont pas à avoir un niveau équivalent aux enfants scolarisés au même âge. Par contre, à 16 ans, ils doivent avoir acquis le socle commun de connaissances. Ils doivent en avoir la maîtrise, ce qui n’est pas d’ailleurs le cas des élèves de l’éducation nationale. Une première injustice.
D’un point de vue pratique, on doit faire une déclaration d’instruction en famille chaque année auprès de l’éducation nationale.
Mes Premières Lectures : Comment se passent les relations avec l’éducation nationale ?
Sylvie Martin Rodriguez : L’éducation nationale ne nous facilite pas du tout les choses, elle nous met des bâtons dans les roues sans arrêt, elle nous gâche la vie alors qu’on avait une vie qui était vraiment très très chouette. Maintenant on vit un enfer au quotidien parce qu’on ne sait absolument pas ce qui va nous tomber sur la tête. Simplement parce que nous avons refusé d’obéir aux exigences illégales d’un inspecteur d’Académie. Comme ils ont l’habitude d’être obéis au doigt et à l’œil, ils se vexent facilement visiblement, et donc depuis 3 ans, nous sommes en procédure avec l’éducation nationale.
Mes Premières Lectures : Quelles étaient ces exigences « illégales » ?
Sylvie Martin Rodriguez : Il faut d’abord expliquer que d’une part, il y a la loi sur l’école à la maison, et d’autre part, les habitudes de l’éducation nationale. Ce sont deux choses totalement différentes. Quoi qu’ils en disent, à l’éducation nationale, ils n’aiment pas l’idée de l’existence de l’école à la maison. Ils aiment bien arriver en cow-boys fringants qui viennent sauver ces pauvres enfants enfermés dans leurs familles et qui ne voient jamais la lumière du jour. Donc, ils arrivent en étant vraiment très méprisants, et vraiment sûrs de leur bon droit, et exigent des modalités de contrôle que la loi n’exige pas. Et notamment, de tester les enfants, c’est-à-dire de les évaluer en leur posant des questions à l’oral et à l’écrit. La loi dit qu’ils doivent venir vérifier l’instruction donnée aux enfants. A partir de cette phrase, chacun interprète comme il veut. Eux l’interprètent en décidant qu’ils ont le droit de tester les enfants. La loi ne parle pas du tout de test, elle dit qu’il faut vérifier l’enseignement. De même que dans les écoles : ils font confiance aux notes que l’enseignant donne, et ne vont pas interroger individuellement les 30 élèves de chaque classe, pour voir si réellement ils sont instruits. Et bien pour nous, c’est pareil. Nous exigeons d’être traités de la même façon, c’est-à-dire que nous ne voulons pas être soupçonnés de mensonges lorsque nous détaillons l’instruction donnée à nos enfants. Lors du contrôle, nous sommes prêts à montrer toutes nos ressources, toutes les traces des travaux des enfants, à leur dire ce qu’ils savent ou pas, ce qu’ils sauront, etc… Nous leur avons même proposé de rester plusieurs jours s’ils le souhaitent pour constater l’instruction des enfants. Ils ont refusé. Mais par contre ils ne les testeront pas !
Ça ils ne peuvent pas l’avaler, du coup, on se retrouve au tribunal correctionnel.
Mes Premières Lectures : Des contrôles ont-ils déjà pu se faire auprès de vous ?
Sylvie Martin Rodriguez : Il y a eu un premier contrôle en 2009, et c’est de là que tout est parti. A l’époque, nous avions envoyé un premier courrier pour confirmer que nous allions recevoir l’inspectrice, tout en la prévenant que les enfants ne seraient pas testés, sans exiger quoi que ce soit d’autre. Elle n’a pas répondu et est arrivée le jour J, avec une seconde personne sans nous en avoir informés. Elle a voulu tout de suite tester les enfants. Nous nous y sommes opposé en lui répondant « mais enfin vous n’avez pas lu notre courrier ? ». Nous lui avons mis la loi sous le nez et elle nous a répondu « moi la loi, je m’en fous, ça ne me concerne pas, je ne veux rien savoir, vos enfants seront scolarisés en septembre ». Nous avons répondu que, dans ce cas, nous irions en justice. Nous lui avons alors demandé de nous mettre par écrit qu’elle refusait de regarder nos ressources et travaux d’apprentissages. Elle s’est calmée, et elle a commencé à jeter un œil sur les ressources. Nous nous sommes aperçus que pendant le contrôle, elle changeait d’avis sur nous.
Le problème, c’est qu’elle est repartie sans ses feuilles de tests remplies, et plutôt que de se faire taper sur les doigts, elle a fait un rapport dans lequel elle dit qu’elle n’a pas pu se rendre compte de l’instruction des enfants. Ce n’était pas vrai, mais elle n’a pas voulu se faire taper sur les doigts par sa hiérarchie à mon avis. Son supérieur, l’inspecteur d’académie, sans nous connaître, sans jamais nous avoir vus ni entendus, nous a menacés de signalement pour enfants en danger. Nous avons porté plainte. Plainte qui n’a pas été pris en compte, car il s’agissait d’une simple plainte sans avocat. C’est là que la guerre a commencé.
Mes Premières Lectures : C’est une guerre des nerfs c’est ça ?
Sylvie Martin Rodriguez : Oui, parce que le procès devait avoir lieu le 15 novembre 2011. Le jour J, les médias étaient présents, des gens s’étaient déplacés de partout en France, l’avocat venait de Nice, et le procès a été reporté… Tout ça pour rien. Sans compter les frais de justice.
Mais guerre des nerfs ou pas, on ne lâchera pas.
Mes Premières Lectures : Aujourd’hui vous êtes convoqués en procès pour un délit que vous n’avez pas commis, c’est cela ?
Sylvie Martin Rodriguez : Oui, nous sommes convoqués au tribunal correctionnel de Bourg En Bresse à 15h le 22 mai 2012, (4 rue du Palais) pour avoir refusé d’inscrire les enfants après mise en demeure de l’inspecteur d’Académie. Une mise en demeure que nous n’avons jamais reçue. Nous sommes aussi accusés de faire obstacle au contrôle de l’inspection d’académie. Alors que nous ne refusons pas le contrôle, nous demandons seulement à ce qu’il se fasse dans des conditions respectueuses et qu’ils nous confirment par écrit qu’ils ne testeront pas les enfants.
Début janvier pourtant, nous avons reçu la lettre que nous attendions depuis 3 ans, une lettre de l’inspecteur, ultra respectueuse, indiquant qu’il ne testerait pas les enfants. Il l’a écrit noir sur blanc ! Donc, nous avons accepté le contrôle, qu’il a annulé un quart d’heure avant l’heure prévue, alors que nous avions tout préparé et que nous l’attentions. C’était en février 2012.
A l’inspection, ils affirment qu’ils s’inquiètent pour les enfants. Ce qui ne les a pas empêchés d’annuler le contrôle sans aucune explication. Un mois et demi après l’annulation de dernière minute, nous recevons une nouvelle demande de contrôle. Par contre, dans ce courrier, il n’est plus question de ne plus tester les enfants d’une part, et d’autre part, ils ont décidé de venir à trois inspecteurs ! Nous supposons qu’il y a un lien avec la nouvelle circulaire.
D’autres familles vivent la même chose que nous, nous sommes loin d’être les seuls. L’instruction et le bien-être des enfants ne sont pas en cause une seule seconde dans toutes ces procédures. C’est simplement parce que nous n’avons pas obéit aux abus de pouvoirs des inspecteurs de l’éducation Nationale que nous en sommes là.
Nous sommes terrifiés. On croise les doigts. Nous savons que nous sommes dans le juste.
De nombreuses personnes ont déclaré vouloir venir nous soutenir sur place, j’espère que ce sera le cas.
Mes Premières Lectures : Si vous aviez su que ça se passerait aussi mal ? Auriez-vous fait autrement ? Avez-vous des regrets ?
Sylvie Martin Rodriguez : Aucun regret, mais aucun ! Je crois que parfois, à l’éducation nationale, ils ont tellement l’habitude de voir des gens résignés qu’ils se rendent pas compte qu’il existe des gens qui sont prêts à batailler jusqu’à un point qu’ils n’imaginent pas. Imaginer mes enfants dans une école, c’est totalement inconcevable. Et pour n’importe quel professeur de ma région, je peux vous assurer qu’aucun n’aurait envie de m’avoir comme parent d’élève. Ce n’est pas concevable d’enfermer mes enfants entre quatre murs avec des instits qui vont faire un cours pour 30 élèves, sans aucune liberté ...
Évidemment que si c’était à refaire, nous referions la même chose ! Nous sommes dans notre bon droit. Nos enfants sont heureux, ils sont instruits et c’est tout ce qui compte.
Et nous n’avons pas attendu l’obligation légale d’instruction à 6 ans pour commencer à instruire nos enfants, ils le sont depuis qu’ils sont tout-petits. A 6 ans cela faisait déjà longtemps que je lisais des histoires à mon loulou, que nous faisions des jeux et des tas d’autres choses.
Mes Premières Lectures : Pouvez-vous nous parler de l’appel à la désobéissance que vous lancez ?
Sylvie Martin Rodriguez :
L’appel à la désobéissance et notre procès sont deux choses distinctes, bien que liées d’une certaine manière. C’est- à dire que depuis 1998, les hommes et femmes politiques de tous bords, veulent interdire l’école à la maison, c’est une certitude. Mais ils n’en ont pas le droit, puisque la liberté d’enseignement et de conscience font partie de notre constitution. Donc, ils essaient de l’interdire de façon détournée. Et c’est vrai que la plupart des associations ne se sont pas mises en travers de ces intentions. Petit à petit, au fil des années, les lois se sont durcies. Nous avons de plus en plus de restrictions, nous sommes traités comme des gens qui enferment leurs enfants dans des sectes, il y a des rumeurs qui courent, comme si nous étions des bourreaux d’enfants qui les enferment et ne les laissent pas voir la lumière du jour. Ce sont des choses qui ne sont pas vraies mais qui font le lit des préjugés sur l’école à la maison.
Sans parler du fait que ne pas mettre son enfant à l’école est le sacrilège absolu en France. L’éducation nationale est une véritable religion. Quand je pense qu’elle se dit « laïque », c’est quand même rigolo. Parce que quand on ne met pas son enfant à l’école on subit des pressions inouïes, et notamment, de la part de l’éducation nationale.
C’est assez nouveau qu’il y ait des familles qui se rebellent contre les abus des inspecteurs, car évidemment on est loin, loin, loin d’être les seuls à subir ce genre d’injustice. Mais la plupart du temps, quand les familles sont menacées d’être signalées au procureur, elles laissent tomber parce qu’elles ont peur. C’est compréhensible, car la menace qui plane au-dessus de leurs têtes, c’est la menace de leur enlever leurs enfants ! Même si, bien sûr, ce n’est pas dit de façon aussi claire.
Donc tout le monde laisse tomber.
Comme il y a de plus en plus de familles qui résistent désormais, ils essaient de rendre les choses de plus en plus sévères.
En janvier 2012, ils ont pondu une nouvelle circulaire sur l’obligation scolaire, qui permet aux inspecteurs de poursuivre les familles à la moindre contestation. Ce n’est pas compliqué : si la famille dit « là je ne suis pas d’accord vous n’avez pas le droit… », la circulaire leur permet de considérer que c’est une façon de faire obstacle au contrôle : signalement au procureur.
Dans mon appel à la désobéissance, je décortique bien tout cela de 1998 à aujourd’hui. Nous pouvons nous apercevoir alors que le but, c’est d’interdire l’école à la maison. En passant par la dissuasion des familles à se rebeller et à faire ce choix. Car les familles qui vont faire ce choix (d’instruction en famille), vont se retrouver harcelées et discriminées en permanence.
Attention : mon appel à la désobéissance est un appel à la désobéissance à la circulaire mais pas à la loi. Une circulaire est un document interne auquel les employés d’une institution doivent se plier, mais il ne nous concerne pas. Ce n’est pas une loi et les particuliers n’ont pas à s’y plier.
Cette circulaire est totalement discriminatoire, et, que je sache, la discrimination est interdite en France.
La circulaire exige des tas de choses qui ne sont pas dans la loi, mais la plupart des familles confondent un peu tout. Il faut convaincre les familles de désobéir parce que 95% des familles y obéissent, par ignorance souvent, car elles ne savent pas qu’elles ont le droit d’y désobéir, pendant que d’autre obéissent par peur.
Il faut se défendre puisqu’on nous attaque. Si nous ne le faisons pas, beaucoup de familles vont se retrouver devant un juge de façon terriblement injuste alors qu’elles n’auront rien fait. Alors qu’elles auront respecté la loi : celle d’instruire les enfants.
Se battre permet parfois de faire changer les choses. Moi, je refuse d’être considérée comme quelqu’un qui serait dans une secte, en train d’enfermer mes enfants parce que je fais le choix sacrilège de ne pas les mettre à l’école.
Mes Premières Lectures : Hors des murs, pourquoi ce nom là pour le site Internet que vous avez créé avec des amis ?
Sylvie Martin Rodriguez : C’est pour dire qu’en dehors des murs de l’école, il existe des familles qui vivent autrement et qui vivent bien. Mon but n’était pas de faire l’apologie de l’école à la maison. Je n’attaquerais pas l’école si elle ne m’avait pas attaquée. A partir du moment où j’ai été attaquée, je me défends. Quand ils laisseront les familles tranquilles, ils n’entendront plus parler de nous. adresse du site ICI .
Mes Premières Lectures : Quelles idées reçues voulez-vous balayer au passage ?
Sylvie Martin Rodriguez : Nous sommes des familles normales, tout simplement. Souvent, l’instruction à la maison est perçue soit comme un choix réservé à des familles très aisées, donc, un choix réservé à peu de gens, ce qui rassure tout le monde ; soit comme un choix fait par des familles complètement allumées qui vivent pied nus, les enfants à poil, la morve au nez. On montre toujours des caricatures qui font que les gens ne se sentent pas concernés. Alors que la plupart d’entre-nous sommes des gens comme les autres, comme dans n’importe quel milieu.
Nous avons décidé de relever la tête, ce qui pose problème à l’éducation nationale. Parce que j’estime qu’une institution qui a des résultats comme l’éducation nationale en France, n’a de leçons à donner à personne.
Mes Premières Lectures : Où trouvez-vous l’énergie de vous battre ?
Sylvie Martin Rodriguez : D’abord, c’est l’instinct de survie. Ensuite, l’énergie, je la trouve grâce à mes amis, qui sont extrêmement courageux, ou grâce à des connaissances qui nous défendent mordicus. Nous sommes tous très soudés. Nous sommes de plus en plus nombreux à résister.
J’ai reçu plus d’une centaine de signatures pour l’appel à la désobéissance, y compris de gens qui ne font pas l’école à la maison mais qui soutiennent les signataires.
Mes Premières Lectures : Vous êtes aussi auteur… Un ouvrage intitulé les 10 plus gros mensonges sur l’école à la maison paru en 2008.
Sylvie Martin Rodriguez : Oui justement en 2007, à travers Georges Fenech, président de l’association de la Miviludes, l’éducation nationale a essayé encore une fois, tout en le niant, d’interdire l’école à la maison. Ils voulaient faire passer un amendement qui aurait autorisé seulement les familles avec des enfants handicapés, ou les gens du voyage, ou les familles partant faire un périple autour du monde… de faire l’école à la maison. Ce qui revenait à dire que, pour tous les autres, ce serait interdit.
Cela m’a rendue folle de rage. Une amie m’a parlé de la collection « les 10 plus gros mensonges » ; je les ai appelés, ils ont dit oui tout de suite. Et j’ai écrit le livre.
Il n’est plus totalement d’actualité puisqu’il s’est passé pas mal de choses depuis. Je citais pas mal les associations à cette époque, mais je ne m’étais pas rendu compte à quel point, en réalité, elles font un travail de sape sur le sujet. Elles n’agissent pas. Si nous sommes nombreux dans des situations difficiles aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elles ne font rien de concret, hormis de dire de temps en temps qu’elles ne sont pas d’accord, tout en demandant à ce que la loi soit respectée. Mais cela reste à l’état de paroles et ne se traduit pas en actes. Les gens suivent ce que disent les associations ; Quand rien de concret n’est fait, c’est du pain béni pour l’éducation nationale qui doit bien rigoler...
Mes Premières Lectures : ça ne vous a pas donné envie de créer votre propre association du coup ?
Sylvie Martin Rodriguez : Au contraire, parce qu’en étant libres, nous pouvons agir, sans demander l’autorisation à qui que ce soit. Les gens qui veulent nous soutenir peuvent le faire librement. Ceux qui ne le veulent pas ne le font pas, mais au moins, on ne passe des mois en blabla. Dans les asso, il y a toujours quelqu’un pour chipoter et empêcher l’action.
Nous nous cotisons pour payer les frais de justice qui coûtent très cher (c’est aussi sur les finances que compte l’éducation nationale pour que les familles abandonnent).
A chaque fois qu’une famille est en souci, on se cotise. De cette façon, chaque famille est soutenue pour payer les frais de justice.
Mes Premières Lectures : Pour conclure sur une note littéraire, quels sont les livres de chevet dans la famille Rodriguez-Martin en ce moment ?
Sylvie Martin Rodriguez : Régis est un fan d’histoire, il ne peut lire que des romans historiques. Moi je lis Dune en ce moment, parce que j’aime bien les sagas et le fantastique.
Avec mes enfants on lit ensemble Fablehaven, il y a 5 tomes. Il s’agit d’aventures magiques avec des animaux imaginaires etc. on lit ça tous les soirs.
Tom lit la trilogie d’Ewilan. Il est aussi fan de BD.
Et Lilou est dans les Fables de La Fontaine et les contes de Grimm. Ce qui ne vient pas de moi, parce que j’ai horreur des fables et des poésies. Mais même si je n’aime pas, je mets à disposition ce que les enfants demandent.
Mes Premières Lectures : Merci Sylvie Martin Rodriguez pour cet échange.
7 commentaires:
Merci d'avoir rendu cette interview disponible car le lien direct ne semble plus fonctionner. Quelle énergie ! J'aimerais la rencontrer. J'aimerais surtout que l'on soit encore plus nombreux à la soutenir pour faire le poids face à l'Education nationale. Merci Edith et toute la famille de soutenir et faire circuler les informations à distance. C'est un acte très important. Je vous embrasse très fort tous les quatre !
Ils ont été relaxés !! :-)
@ Béné: Merci pour tes bons mots, nous savons que c'est peu comme soutien mais nous sommes avec vous, avec les familles qui choisissent l'apprentissage informel, qui respectent leurs enfants, Avec Nos Enfants! ;-)
@ Sicile: Gros merci de nous avoir informés. Nous apprécions.
L'équipe de JOSE, qui s'en va se balader dans les bois maintenant... ! Il faut beau, beau, beau, après la pluie diluvienne d'hier... faut croire que la météo suivait le procès, elle aussi ! :-D
Merci pour votre soutien.
Pour nous soutenir, vous pouvez aller sur Facebook, et suivre nos actions : http://www.facebook.com/horsdesmurs
ou me joindre à : eliott2@sfr.fr
Et ici, une autre interview de Nathalie Damide, quelques mois plus tard : http://mespremiereslectures.com/Interview-de-Sylvie-Martin,727.html
Encore merci
Sylvie Martin Rodriguez
Merci Sylvie, pour les liens, pour les interviews publiées. Bravo pour votre courage. Puisse-t-il inspirer tous les parents.
Note: Nous avons contacté Mme.Damide, qui nous a autorisé à publier ici cette nouvelle interview que vous lui avez accordée.
Encore merci, pour tout.
Édith
Tant mieux pour eux si ils peuvent continuer l'éducation à domicile...mais pour quelques-uns qui réussissent, combien de centaines d'enfants sont contraints de laisser leurs enfants être scolarisés, voire plus ou moins séparés des parents (IME...)? Un arbre qui cache la forêt ?
merci et bravo pour votre courage et votre determination !comme bene de bretagne J'aimerais rencontrer cette famille pour laquelle j eprouve beaucoup de respect et d amiration et avec laquelle je me sents tellement proche dans mon etat d esprit . Je souhaiterai aussi que les esprits francais se reveillent et se rebellent pour se battre face à l'Education nationale mais aussi á tout ce qui de nefaste nous entoure! courage, unissons nos forces et allons jusqu au bout
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