Choisir
le unschooling (apprentissage informel / autonome / dans la vie) est un choix qui peut être difficile à
faire dans une culture telle que la nôtre car le vécu, plus que le mot encore, est méconnu, incompris, interprété et colporté à tort et à travers. Du coup, les unschoolers sont parfois regardés de haut, avec un certain dédain - parfois aussi avec un certain aura de mystère - sans compter les opinions biaisées et innombrables préjugés auxquels ils peuvent faire face. Entre autres, on assimile parfois à une certaine irresponsabilité ou négligence ce mode de vie conscient choisi par des parents qui sont animés par un intérêt sans borne pour l'apprentissage, qui offrent à leurs enfants une disponibilité incroyable et une attention hors du commun, qui font le choix de la relation avant toute autre chose et celui d'y semer la joie. Et on en passe, et des meilleures. ;-)
Souvent, les gens posent des tas de
questions, et n'écoutent que peu ou pas les réponses. Ou ils choisissent d'écouter leurs peurs. C'est
triste ! On les entend s'exclamer : « oui, mais ils ne vont pas apprendre ceci ou
cela, s'ils ne sont pas forcés à le faire », ou « oui, mais c'est
dur la vie » ou « faut qu'on leur fixe des objectifs à atteindre, sinon ils le feront pas » ou encore « on peut pas
toujours faire ce qu'on aime »...
Si
vous avez un jour envie de poser ce genre de questions à un autre
parent, ne le faites pas. Arrêtez-vous.
Calmez-vous.
Étendez-vous au sol, si vous le pouvez. (Oui, oui !)
Prenez trois grandes respirations. Pour vrai !
Lorsque le calme sera revenu en vous, posez-vous ces questions à vous. Car c'est à vous que vous parlez en réalité. Cherchez
les réponses en vous.
Vous voulez savoir ? Oui, on l'a fait ! On s'est posé bien des questions. Et on a remis en question bien des choses. On a passé beaucoup de temps avec nos enfants. On a observé qu'ils apprenaient tout, naturellement, chacun à leur façon, chacun à leur moment... et particulièrement bien sans quelqu'un pour leur enseigner. On s'est aussi questionné à savoir pourquoi on n'avait pas pensé à ça avant d'accueillir des enfants dans notre vie. Avions-nous eu envie de prendre du bon temps avec un tout-petit, l'avoir collé tout contre nous et le câliner jusqu'à ce que... jusqu'à ce que... jusqu'à ce que quoi au juste ? Qu'il ait vécu cinq petites années et après, fini, « au travail ! » ? On entend ça souvent autour de nous, les gens voient un tout-petit, ils s'arrêtent et sourient, l'observent sauter dans les trous d'eau, danser dans le vent, courir sur le trottoir, et soupirent, mélancoliques « ah ! que c'est beau l'enfance! Qu'il en profite, hein, ça dure pas longtemps... s'il savait ce qui l'attend après... ! » Chaque fois, ça nous fait beurk, beurk et re-beurk ! Comment peut-on énoncer tout haut d'aussi sombres absurdités, y acquiescer et continuer de vivre comme si de rien n'était ?
Comment peut-on accueillir des enfants dans ce monde si c'est pour une toute petite enfance de rien du tout, et après... et après, quoi au juste ? Quand notre fils a eu 5 ans, nous nous sommes demandés pourquoi on n'aurait plus le droit de vivre avec lui - et lui avec nous - les jours de semaine, et de continuer de l'accompagner dans son apprentissage du monde, dans la joie. Dans quel but devrait-on ou choisirait-on de déléguer son éducation - donc, sa vie - à l'état, pour un apprentissage forcé, enfermé 5 jours par semaine, pendant 12 ans ou plus ? Voulions-nous qu'il apprenne par intérêt, par désir, mû de l'intérieur comme il l'avait toujours fait ? Ou qu'il apprenne par obligation des choses qui ne lui étaient peut-être pas utiles ou intéressantes en ce moment de sa vie ? Et pourquoi ? Pour convenir à qui ? Devenir un produit utile à d'autres que lui-même ? À l'économie ? Futur-producteur de PNB ?
En 1997, nous 'croyions' que l'école était obligatoire. C'est quand même fou la désinformation: nous, des adultes, qui étions allés à l'école si longtemps. - Certains diront: justement ! - Nous ne savions pas que l'école n'est pas obligatoire. Bâti sur un leurre, notre croyance luttait avec notre conscience. Comment mettre notre petit, un être humain, avec ses propres modes d'apprentissage, son rythme bien à lui, ses intérêts personnels, à l'école, juste parce que ce serait 'obligatoire' ? Alors, nous sommes passés par toutes les bêtises qu'on nous avait dites à nous aussi. Nous avons essayé de nous/lui dire que « l'école c'est là où on apprend ». Alors qu'il avait appris et continuait d'apprendre quantités de choses sans jamais y avoir mis les pieds. - Et que toutes les choses qui nous sont utiles, on les avait apprises dans la vraie vie, nous aussi. Que si certaines informations avaient été enregistrées par notre cerveau dans l'enceinte d'un bâtiment scolaire, ça l'aurait été ailleurs tout aussi bien, voire mieux, en ayant accès au monde. - On lui a dit aussi que « l'école c'est là où on se fait des amis », alors que les nôtres, les siens, on ne les avait pas rencontrés à l'école. On a essayé aussi de dire que « la vie, c'est dur et on peut pas toujours faire ce qu'on aime... ». Impossible ici de ne pas se rappeler Calvin:
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Calvin et Hobbes - p.10, album 14 : Va jouer dans le mixer ! Bill Watterson |
Ces bêtises, on essayait d'y croire aussi, car c'est difficile de dire des faussetés à un enfant en ayant l'air vrai, surtout si c'est pour essayer de le convaincre. C'est lucide un enfant. On a essayé d'y croire longtemps, aussi longtemps qu'on a cru que l'école était obligatoire, en fait. On a essayé... ça n'a pas marché. Pour faire face à cette 'obligation' de scolarisation, on se retrouvait à devoir mentir à notre enfant... mais pourquoi au juste ? Ben, parce que s'avouer à soi-même qu'on fait partie d'une société qui a enfermé l'apprentissage, détérioré l'élan naturel de curiosité, de confiance, de générosité et de partage de l'humain envers les autres, faussé les notions de respect de la vie et abîmé l'intérêt naturel de l'enfant pour son environnement, ce n'est pas agréable. Et s'avouer qu'on y a mis un enfant sans y avoir songé, c'est dur. Très dur.
Mentir, on n'y arrivait pas, alors on se questionnait. Bien qu'on ne soit pas libres, astreints que nous sommes à cette 'liberté relative' (comme la nommait une copine récemment), qui est celle du concept de la 'nourriture sous clé', comme le dit Daniel Quinn, il reste qu'on pouvait être beaucoup plus heureux qu'on ne l'était. On pouvait mettre beaucoup plus de joie dans plusieurs de nos moments. Et continuer de vivre ensemble et d'apprendre sans limite. Comment aurait-on pu affirmer à notre enfant que toutes les belles choses de la vie étaient une rareté ? Qu'il resterait les vacances et les congés ? Et que d'autres belles choses viendraient, peut-être, un jour, en compensation pour le travail forcé ou inintéressant ? En guise de prix de consolation pour toutes les fois où il se serait résigné ? Nous n'avons pas pensé - intellectuellement - à tout ça, avant. Nous avons juste eu un grand désir d'enfant, comme notre continuum nous y appelait. Un gros plein d'amour qui débordait et le désir lus ou moins conscient de le partager. Nous n'avons pas compris ce qui se passait quand il a eu 5 ans et qu'on 'devait' tout à coup le mettre à l'école et ne plus vivre avec lui...
Puis il y a eu cette émission de télé, un jour de 1999. Suivie d'un appel téléphonique de grand-maman pour nous annoncer la grande nouvelle: on peut ne pas mettre nos enfants à l'école. Wahouh ! Après avoir fait l'école à la maison (homeschooling), puis l'école maison relax (relaxed homeschooling), nous avons convergé naturellement vers le unschooling (sans connaître le mot) car il n'y avait pas assez de joie dans nos journées. Nous voulions être heureux, comme avant ; il y avait de la place pour plus, pour mieux. C'est le mode de vie qui sème le plus de joie dans nos vies !
Nous choisissons de semer plus de joie plutôt que moins. Nous choisissons la relation avec nos enfants plutôt que de leur demander de s'éteindre pour remplir les diktats de la société ou pour plaire aux voisins. - En passant, nous avons plusieurs charmants voisins, qui savent très bien que nous ne parlons pas d'eux, ici, n'est-ce pas ? ;-) Nous aimons la vie, nos enfants aiment la vie. Nous voulons toujours plus de joie, plus de vie dans nos vies, pas moins. Nos
enfants ne sont pas forcés d'apprendre; pourtant ils apprennent. Depuis leur naissance, sans cesser. Tout comme chacun de nous. Il est impossible de ne pas apprendre. Nos fils
ne sont pas enfermés cinq jours par semaine, ni même un nombre
d'heures minimum chaque jour, pourtant ils apprennent tous les jours,
et ils fouillent les sujets qui les intéressent à fond et font des
connections entre leurs différentes connaissances sans cesse et les partagent gratuitement. Depuis toujours. Ils ne vivent pas en vase clos, avec seulement des jeunes de leur âge et de leur quartier très précisément. Ils vivent dans le monde, le vrai, dès maintenant. Ils ont vite réalisé que la liberté n'existe pas dans ce genre de culture qu'est
la nôtre. Et ils ont vite saisi aussi que c'est tous ensemble qu'on pourra y accéder. Ils sont prêts depuis longtemps. Car ils aiment la vie. Tellement ! Dans l'attente, ils continuent d'apprendre, ils font de bons choix, les meilleurs choix de vie possible en partant de leurs connaissances. Ils font de la recherche. Ils font du bénévolat. Ils écrivent. Ils partagent. Ils communiquent. Et ils aident, et ce avec un intérêt authentique et un respect sincère qui leur fait rarement défaut. Ils ont un regard lucide, une soif de justice inébranlable, et ils
aiment si fort !
Parfois,
après nous avoir questionnés sur le unschooling, certaines personnes disent être très heureuses comme ça. « Comme ça» signifiant «avec leurs enfants à l'école ». Et bien
tant mieux !
Si votre vie est au top, tant mieux ! Si vous êtes satisfaits, tant mieux ! Si vos enfants ne peuvent pas être plus heureux, tant mieux !
Si vous êtes en parfaite harmonie avec vos choix de vie, TANT MIEUX !
Vous ne devez pas sentir le besoin de nous interroger sur NOS choix de vie alors, n'est-ce pas? ;-) Soyez heureux... et laissez-nous l'être aussi! Voilà!
Quant à nous, nous ne pouvons que remercier nos enfants de toute la joie qui émane de nos relations, et de tout cet apprentissage que nous vivons avec eux. Merci de tout cœur ! ♥
P.S. Et si, par hasard, votre enfant n'est pas si heureux que ça à l'école ou dans votre école-à-la-maison, vous pouvez toujours lui offrir une dispense... ;-)
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Calvin et Hobbes - p.45, album 4 : Debout tas de nouilles - Bill Watterson |