un petit enfant (quatre ans, peut-être cinq), hurle en poussant son petit panier (kart), il pleure et cherche... les gens le regardent, certains lui cèdent le passage lorsqu'il passe près d'eux.
Une fois encore, la réaction culturelle veut prendre le pas sur la nature, on détourne le regard, mal à l'aise...
Mais, si ce malaise était naturel ? comme le dit toujours mon fils.
Si cette sensation naturelle était là pour quelque chose ?
Pour nous appeler ?
Nous appeler à l'action ?
Toutes nos fibres nous appellent à répondre à cette demande d'aide... pourquoi ne pas les suivre ?
Comme d'habitude, je suis poignée aux tripes par le mal-être de cet enfant.
Je m'éloigne de la caissière en disant que cet enfant cherche quelqu'un, son parent, je suppose - je sais qu'elle entend, et qu'elle attendra.
Je m'avance doucement vers l'enfant, je suis encore assez éloignée quand je vois un homme s'approcher face à lui. Vu la réaction de l'enfant, je comprends tout de suite qu'il est son papa. Rassurée, je reviens vers la caissière, tout en gardant un œil sur leur réunion, le câlin qui va naître, la joie chez tous les deux.
Je n'imagine pas un instant ce qui va suivre...
Le papa empoigne l'enfant par le bras, le pousse rapidement au mur du fond, derrière les tables du café. Il se penche vers le petit visage ruisselant de larmes, qu'il essuie comme il lui parle, rudement, l'index pointé sur le petit nez...
Je ne peux pas faire comme si de rien n'était: j'avance de nouveau, doucement, vers eux. J'essaie de voir si je peux entrer en contact visuel avec l'enfant. Il peut, s'il regarde plus haut, plus loin, voir les gens dans le supermarché; le père leur tourne le dos. Si je peux au moins avoir un contact visuel avec le petit...
Parfois, lorsqu'on établit ce contact avec celui qui souffre, il y a quelque chose qui se passe, un tout petit quelque chose, peut-être, mais, dans un tel moment, ce petit quelque chose peut faire une différence, je le sens.
Parfois, il m'a paru que l'enfant se sentait comme ... soulagé, je crois. Peut-être juste de savoir que quelqu'un est là, que quelqu'un se soucie de ce qu'il vit ? Que son mal-être est reconnu, plutôt qu'ignoré, banalisé. Normalisé. Saura-t-il que ce qu'il ressent au-dedans est vrai, que c'est important ? Qu'il est important ?
Tantôt, au supermarché, comme chaque fois que j'ai été témoin de ce genre de déconnexion, je ne savais trop que faire, comment agir, ou parler.
Et que dire ? Et à qui ?
Comment - et peut-on - aider à mettre fin à cette intimidation, ce manque de connexion, de relation ?
Que puis-je faire ?
Qui ne créé pas un malaise plus grand chez l'un ou chez l'autre ?
C'est instinctif, j'ai un élan naturel vers l'enfant ; je veux montrer mon soutien.
Je peux aussi avoir une pensée pour le parent (fatigué ? épuisé ? seul ?) qui laisse aller (ou perd sans le savoir ?) la connexion avec son enfant.
Que faire ?
Pour que, le plus rapidement possible - pour tous les deux - l'enfant soit accueilli avec bienveillance, ramené, avec amour, dans un espace de bien-être ? Que le parent (re?)trouve cet espace de bien-être et d'amour inconditionnel pour son enfant ?
...
Si on a l'impression de manquer de patience, de temps, d'énergie,
faire le choix de l'offrir permet de réaliser qu'on a ce qu'il faut.
Ce que je pense ne pas avoir, dès que je l'offre à mon enfant, je le reçois aussi.
« Offrez à vos enfants ce que vous aimeriez avoir eu étant enfant
et vous pourrez guérir votre enfant intérieur dans le processus. »
Mais ... comment dire cela à un parent envahi par l'émotion ?
Quelle est la meilleur action à faire ?
Avancer et demander ce qui ne va pas ?
Demander si tout va bien ? Si on a besoin d'aide ?
Je
l'ai déjà fait.
Selon les circonstances, l'endroit, comment je 'sens'
la situation, parfois, j'offre mon aide. J'ai parfois été regardée comme
une intruse bizarroïde, mais je l'ai fait. J'ai continué, espérant que
mes mots et le ton amical que j'empruntais allaient diminuer la tension,
aider à reconnecter le parent à son enfant. Un jour, j'ai dit, comme ça, à un papa qui commençait à s'énerver sur les petits bras de son bambin qui ne voulait plus être assis dans la poussette: « C'est long au centre d'achats, n'est-ce pas ? Il n'a plus envie d'être dans la poussette, hein ?! Il aimerait peut-être bouger un peu, marcher quelques pas ? » J'ai eu l'impression que l'enfant et le papa se sont sentis compris. Il a détaché le petit, ... qui a couru se réfugier sur sa maman, qui était là, accompagnée de deux autres enfants, à quelques mètres de nous.
Aujourd'hui, j'ai espéré, lorsque j'ai capté un bref instant le regard mouillé du petit garçon, que ça irait. Il a ouvert ses petits bras, et enlacé son papa, qui le menaçait toujours de l'index et de mots que je n'entendais pas. Je suis sortie. Emplie d'espoir et d'amour pour ce petit humain si fort, si grand. Et d'exaspération, et d'impatience aussi.
André Stern disait, lors de certaines conférences « qu'il est un lion quand il s'agit de protéger les dispositions spontanées de l'enfant. »
Je n'y avais jamais songé avec ces mots auparavant, mais je suis peut-être lionne, ou louve, ou renarde, alors, maman, en tout cas.
Pour autant, je ne voudrais pas que le parent se sente condamné.
Je ne voudrais pas avoir participé à ajouter au mal-être de l'un ou de l'autre.
J'ai déjà entendu parler qu'il serait possible que se sentant 'pris en défaut', un parent se retrouvant seul avec son enfant plus tard défoule sa frustration sur lui...
Est-ce vrai ?
Est-ce possible ?
Je ne veux pas le savoir.
Je ne veux pas y participer.
Je veux avoir fait quelque chose.
Ne rien faire, faire semblant qu'il ne se passe rien, m'est impossible.
Pas que pour les enfants d'ailleurs, pour quiconque est victime d'intimidation.
Et vous ?
Que faites-vous ?
Avez-vous déjà vécu ce genre de situations ?
Y a-t-il un moment où vous êtes arrivés à démontrer votre accueil, un soutien, et que l'issue a été heureuse ?
Autre question
Comment faire pour que le sujet soit ouvertement abordé, afin que les parents se sentent soutenus, partout, lorsqu'ils se sentent fatigués, seuls, ou impuissants? Qu'ils se sentent bienvenus de demander de l'aide, ou de quitter, sans malaise, pour aller se mettre 'au chaud' AVEC leur enfant, quelque part ?
Et puis
Que peut-on faire, et comment le faire, pour que les parents sachent que oui, c'est naturel, normal, et parfaitement bien, de suivre le rythme de l'enfant, partout, en tout temps ?
Comment faire pour que chaque parent ose suivre son instinct, ses fibres de parent, qui le poussent à aimer et respecter son enfant ?
Au plaisir de vous lire !
Avec tout mon amour pour ce petit garçon,
son papa,
sa maman,
Edith