mercredi 22 février 2012

À propos des jeux vidéos : nos peurs vs leurs apprentissages

NES ©Nintendo


Je viens tout juste de me rappeler que j'avais écrit ceci le mois dernier et qu'il était resté dans la liste des 63 brouillons en attente de publication. Peut-être est-ce parce que j'ai commencé, hier soir, une partie d'un nouveau jeu vidéo Super Mario Sunshine ?  En fait, j'ai testé ce jeu au début janvier car c'était un disque acheté d'occasion. En voyant l'animation du début de l'histoire, j'ai bien aimé. Faut dire que je me serais bien vue sur une plage au soleil moi aussi, alors la princesse Peach dans son avion privé m'a fait un peu rêver. Bon, je vous raconte pas cette histoire aujourd'hui mais plutôt celle d'un certain passé chez nous.

Fan de jeux vidéos et de Nintendo depuis l'enfance, notre petit grand garçon a été privé de sa première console NES et du jeu de Mario Bros avec lequel il jouait à l'époque où sa maman était occupée à allaiter bébé. Évidemment, ce n'était pas sa faute, c'était celle de la maman (moi), excédée par (croyais-je) la mauvaise humeur de pauvre petit qui montait en râlant après avoir été ENCORE une fois:

NES ©Nintendo
Équation simple mais combien injuste et dont la somme était énorme pour celui qui en faisait les frais: maman excédée + papa complètement claqué le soir (en ce temps-là, il travaillait 60-70 hres/sem) = retrait de la console de jeu... Un meilleur résultat - on l'a vu, et vécu plus tard - eut été d'être AVEC notre enfant. L'accompagner avec / dans son jeu, ou, autre option, lui procurer de nouveaux jeux mieux adaptés à ses compétences du moment. Ne pas être excédée et claqué aurait aidé à bien cerner le truc mais pour cela, il nous manquait un soutien (moral, physique, financier...), certaines ressources, ou, je le sais mieux maintenant, d'au moins un autre modèle, un autre possible, inspiration et encouragement à s'arrêter, mots pour penser et voir les choses telles qu'elles étaient, déjà. Du temps, de l'énergie. 

Retour au jeu
(on se croirait à la soirée du hockey)
Ce jeu des Mario Bros., qui amusait aussi papa et maman parfois le soir, laissait souvent notre petit de mauvaise humeur. Et alors, sans prendre (trouver) le temps de réfléchir suffisamment, sans essayer de mieux comprendre ce qui se passait - enterrés que nous étions par les tâches, les émotions, l'épuisement - nous limitions son "temps de jeu" comme nous avons aussi, plus tard, limiter son 'temps d'écran'. Comme s'il pouvait exister un temps qui s'accorde avec un adjectif possessif ou, plus absurde encore, un temps qui soit alloué à un outil, l'écran en étant un. Imaginons un instant un 'temps de marteau', un 'temps de casserole', ou encore un 'temps de papier' ! Un temps de casserole, ça sonne drôle au moins !
©Nintendo

C'était pourtant simple: ce qui le faisait râler, c'est le fait qu'il aimait le jeu et aurait aimé arriver à y jouer plus longuement, à poursuivre l'aventure colorée et amusante de Mario. Mais comme les jeux des Mario Bros sont vraiment difficiles (c'est le seul point que nous pourrions 'reprocher' à Nintendo, quoique nos fils disent plutôt que c'est uniquement à Miyamoto que va ce 'compliment'), il n'y arrivait pas, devenait frustré. Et impuissant. Et bien seul pour vivre ces moments difficiles et ce sentiment d'incompétence. Que moi-même je ne saisis mieux que depuis peu. En fait, il a fallu longtemps avant que je ne trouve les mots. Et quand je n'ai pas les mots pour exprimer quelque chose que je vis, je ne sais pas exactement 'ce' que je vis. Je ne sais pas d'où ça vient, et que faire pour aller mieux. Pour notre petit, c'était pareil, bien sûr. Parfois, je me demande si ce ne serait pas plus simple de vivre sans parole. Sans les mots, on n'aurait pas à les connaître, à les chercher pour s'exprimer et comprendre, non ?

Shigeru Miyamoto - © Nintendo
Nous avons été des personnes remplies de peurs, des adultes non-maturés, pas toujours capables d'accompagner réellement nos enfants au quotidien. Parce qu'on ne savait pas comment ? Plutôt parce qu'on ne se faisait pas assez confiance parfois, comme je le disais récemment, sur ce blog. Nous avions peur parfois, de tout ce qu'on racontait partout... pour nous faire peur ?

"Danger, danger, Will Robinson !" que j'entends dans ma tête en écrivant ceci. En fait, au sujet des jeux vidéos, la seule problématique que nous avons rencontrée est celle dont on parle ci-dessus. Rien d'autre. Tout de même, au cas ou vous auriez aussi été induit en erreur par les campagnes de peur - ou les études faites sur des gens scolarisés (ce qui n'est pas le cas ici) - voici quelques-uns des supposés dangers et commentaires qu'on a lus ou entendus:
  • la violence que les jeux vidéos engendrerait parfois. On a dit la même chose pour certains films ou séries télé ou jouets ou livres, etc.;
  • la dépendance qui viendrait avec; ce qui est tout aussi faux et on en reparlera si vous voulez, mais en attendant, si vous lisez l'anglais, voici un article intéressant sur le sujet qui fait suite à une étude sur des rats;
  • la déconnexion d'avec le monde réel. Avec un roman, ça marche aussi, croyez-moi ! D'autres diront avec un film;
  • la 'magie', qui pourrait amener l'enfant à croire que la magie est une façon de régler les problèmes dans la vraie vie... ;
  • l'obésité qui guette (elle a que ça à faire, hein!) si on est assis face - ou de biais avec - un écran de télé ou d'ordinateur, mais bizarrement pas si on est assis à un pupitre avec un cahier ou dans un fauteuil avec un livre... ;
  • l'imaginaire qui ne serait plus (plus jamais?) stimulé si on utilise des technologies plutôt que papier et crayons. (pourquoi pas avec sable et branches, alors ?).
Bref, tous ces trucs qu'on nous raconte pour nous garder dans la peur servent aussi à s'assurer que nous continuons d'entretenir une relation de sujet à objet avec notre enfant (pouvoir sur ses actions et activités) plutôt qu'une relation de sujet à sujet (partenariat, accompagnement et joie). Et tout ça est faux.
Heureusement, on a réussi à s'en sortir. Des peurs, je veux dire. Ça a été un peu (trop) long. Pour y arriver mieux, ou plus rapidement, ceci pourrait aider:

  •  Avoir, prendre, trouver, un moment de calme et de paix. Chaque fois qu'une émotion monte, ou qu'un croyance vient nous hanter l'esprit. Aligner quelques-uns de ces moments de calme les uns après les autres. Cela permet de vivre l'émotion qui vient, d'abord, pour ensuite pouvoir regarder les faits, la réalité.
  • Être AVEC son enfant. Partir de l'enfant, regarder les faits, ce qu'il vit, selon son point de vue.
  • Chercher un soutien, des ressources: des gens autour de nous qui auraient poussé plus loin la réflexion ou des auteurs ou un chercheur qui ait vraiment pris le temps d'observer, et de noter. On n'en trouvait pas à l'époque. Heureusement, il y en a de plus en plus aujourd'hui.
Parfois, il suffit d'une seule personne pour qu'on ait de nouveau l'énergie de continuer à chercher. Ou, mieux encore, deux ou trois personnes. :-)

Ajouts: janvier 2014
  •  Ne pas se fier à des études faites sur des gens scolarisés - incluant les jeunes qui font l'école à la maison - elles ne concernent pas le unschooling.
  • Se joindre à une liste de discussion sur le unschooling. Il y en a en français maintenant.
Il y a longtemps, j'ai rencontrée une telle personne. Une maman. Une amie. Qui ne parlait pas de 'temps d'écran' ni ne faisait peur à ses enfants. Elle jouait aussi. Et le papa aussi. Les grand-parents avaient une console chez eux autant pour jouer avec leurs petits-enfants en visite que pour jouer avec eux en réseau lorsqu'ils n'étaient pas ensemble. Mais alors, pourquoi n'ai-je pas accroché ? D'abord, parce qu'elle en parlait peu, peut-être. Elle ne faisait pas d'exposé sur le sujet, pas plus que sur toute autre chose que ses enfants faisaient et aimaient. Peut-être aussi parce qu'il y avait beaucoup de besoins et de peurs en moi pour m'attarder spécialement à celle-là, à ce moment-là. Aussi, parce qu'on avait bien d'autres choses à vivre ensemble quand on se visitait. J'en ai quand même extrait de la matière quelque part, c'est sûr. Comment cela aurait-il bien pu m'échapper ?

Ça aura pris d'autres expériences, et la rencontre avec les listes unschooling (anglophones, à l'époque) pour que mon cerveau additionne des infos intéressantes, positives, vraies, heureuses, et, je suppose, compense ainsi pour les commentaires ignorants, les croyances véhiculées partout. Ne nous en faisons pas, ce n'est pas si difficile de changer une habitude, n'importe laquelle, ça ne prend qu'une fraction de seconde. On fait d'une façon, puis l'instant d'après, on fait autrement, c'est tout. (Bien sûr, en supposant qu'on veut vraiment et qu'on s'y met, moment après moment, au besoin.) Ce qui est long n'est pas le changement. C'est de trouver le courage d'oser stopper le moment difficile - appuyer sur Pause - pour sortir de ma zone erronée, respirer à fond trois fois, observer, dégager une image plus nette de la situation, ou plus simplement, comme le dit souvent Sandra Dodd, faire un choix qui mène en direction de ce que je veux vivre: la joie du moment présent avec mon enfant. Et si je décide de changer, alors un instant j'ai peur, l'instant d'après... c'est fait.

C'est ainsi que nous avons pu enfin expérimenter le plaisir de jouer à des jeux vidéos, seuls, en famille ou avec des amis. Comme quand on regarde une émission de télé qu'on aime, ou un bon film ? Autant, oui ! Souvent mieux. Mieux car avec les jeux vidéos, on a le plaisir de participer en plus. On est DANS le film. Et économiquement parlant, un jeu vidéo coûte environ le prix d'une entrée au cinéma pour la famille. Quand on achète usagé, c'est moins que l'entrée au cinéma pour deux. L'aventure dure plus longtemps qu'un film, souvent entre 10 et 50 heures, parfois plus. Et quand on aime, on y rejoue plus tard. Et si on n'est pas sûr d'aimer, on loue avant d'acheter. Sans compter que l'école de chiffres dans ma tête, qui semble-t-il ne me quittera jamais, me fait aussi apprécier la marge optimale de 'profit' du jeu vidéo.

Et je n'ai même pas parlé de tout ce que nos enfants ont appris en jouant à des jeux vidéos. Ni de toutes les relations interpersonnelles qui se créent et se développent en jouant à des jeux vidéos: en ligne, c'est le monde entier où se faire des copains. Ce sera pour une (ou des dizaines de) prochaine fois !
Edith

P.S. Mais où est-ce que notre plus jeune a bien pu apprendre l'anglais, lui qui n'est pas allé à l'école? Mystère! Que Nintendo (et quelques parents incrédules) aimerait peut-être résoudre... hi hi hi !

2 commentaires:

Fleur de Paix a dit…

Génial ! J'aime la fraîcheur et la légèreté de ton message ! Je suis totalement d'accord avec ce que tu énonces ! Vive la connexion que l'on peut avoir en trippant ensemble sur un jeu !

L'équipe J'OSE la vie ! a dit…

Merci ! Je suis contente et surprise d'avoir réussi à exprimer des moments difficiles de notre vie familiale avec fraîcheur et légèreté. Oui, comme tu dis "vive la connexion" avec nos enfants ! ♥
Edith

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