sentier de neige (J'OSE la vie !) |
Car ce sentier boisé où nous accueillaient les amas de roches - souvenir des limites entre les champs de culture du siècle dernier - ouvrait, après la clairière ensoleillée, une porte vers le bonheur pour deux jeunes garçons enjoués... et leurs parents. La Joie, avec un grand J ! Celle de la forêt québécoise où arbustes et arbres s'entremêlent, où feuillus et conifères s'entendent à merveille, où les sentiers de terre et de roche forment une harmonie comme seule la vie sait le faire quand l'homme qui pense ne s'en mêle pas. Un raccourci pour aller – joyeusement - déjeuner chez grand-maman le jeudi matin, tel un passage secret entre notre petite maison en rangée pareille à toutes les autres, et celle des grand-parents, plus grande, où le bouleau blanc nous accueille déjà, où le pin majestueux et le lilas odorant sourient de nous voir jouer au ballon dans la cour, et où le jeudi matin, ça sent bon les crêpes et le sirop d'érable !
Pause – Stef vient me dire que Jé
l'a dépassé! Ils se mettent dos à dos. Je constate. Au moins un
centimètre de plus, oui. Ils vérifient avec le gallon, c'est bien
vrai. Un large sourire s'épanouit sur le visage de notre petit, grand jeune homme maintenant.
« Vous avez jamais fait ça,
vous, 1m73 à 14 ans! » qu'il me lance en rigolant ! « Pis,
vous le ferez jamais! » Éclat de rire, câlin. « Qui
aurait pensé que je dépasserais ma famille à quatorze ans?! »
sculpture sur neige: King Dedede s'en vient ! (J'OSE la vie ! - 2012) |
Après ce moment de douce mélancolie, j'y suis. Là, sous mes yeux, la féérie de Narnia s'étend
et m'ouvre les bras. Oh! ce n'est pas la première fois, je vais
souvent marcher dans la forêt. On y va toutes les semaines en
famille aussi, parfois même plusieurs fois par semaine, mais ce
matin, alors que cette douce neige printanière tombe sans arrêt
depuis hier soir, je sens la magie des lieux plus puissante, la
quiétude plus … enveloppante. Je ne peux que poser mes pas au
rythme de la méditation qui y vit. Quelques pas, tout doucement, je
dévore le paysage, chaque branche chargée de neige. Le bosquet de
thuyas – comme je les aime ! - je m'y arrête un moment pour un
câlin (oui, je suis une tree hugger). Nous connectons. Le rythme de
mes pensées s'atténue. De nouvelles pensées, légères,
invitantes, font leur place. Je me demande chaque fois si c'est
l'arbre qui me parle, ou si ce sont mes idées à moi qui ont tout à coup plus
d'espace, et un moment pour venir faire un tour dehors. L'arbre
déroule le tapis rouge pour les accueillir... comme des invitées de marque !
Et d'un coup, la connexion se
termine. Sans heurt, sans presse, juste comme ça, parce que c'est
terminé. Je reprends le sentier de neige. Lentement. Toujours avec
ce rythme méditatif qui s'impose dans la plus grande paix. (Y'a que
la nature pour s'imposer dans la paix, hein !) Partout, je lève les
yeux. J'adore regarder sous les branches; quand j'ai l'appareil
photo, je m'assied ou m'allonge sous les arbres pour en faire des
photos. Ce matin, le dessous des branches est lumineux. Je déguste. Au
bord de la rivière, une majestueuse épinette. Sur le côté, un
espace blanc, avec juste assez d'espace et de pente pour m'étendre.
Chose pensée, chose faite. Un peu froid ce lit de neige. Je
suis surprise, par le froid habituel oui, mais surtout par la largeur
des branches surchargées de toute cette eau floconneuse et
brillante. Une toute petite branche de moins d'un demi-centimètre de
diamètre porte jusqu'à 12, voire 15 cm de neige de hauteur. Sur la
gauche, vue d'en dessous, la neige lui ajoute 4 fois sa largeur. Sur
la droite, un frison de dentelle. Au-dessus, sur les côtés, partout
entre les branches de feuillus, entre les aiguilles des conifères, la
neige se tient, là, dans les espaces, dans le vide ! (Je
décris comme je l'ai vu, espérant me souvenir des détails pour les
dessiner quand je serais de retour.)
Je me remets sur pieds. Jusque là je
suivais des pistes de raquettes, mais j'ai envie d'un chemin que nul
pas n'aura foulé avant moi ce matin, alors je prends à gauche.
J'essaie de poser délicatement mes bottes, espérant secrètement que
je sois de sang amérindien, ne laisser aucune trace de mon
passage. Perdu d'avance sur la neige, je sais bien, mais ça
m'amuse d'essayer. Le sentier est ici plus étroit; quelques branches
de sapins et un jeune thuyas alourdis par la neige ne se relèveront
pas de sitôt. Je m'incline et renoue avec le plaisir de marcher à
quatre pattes; je passe, tête baissée, sous leurs branches. Surtout
ne pas déplacer les flocons posés là, un à un, par la vie. (Je
revois Calvin. ;-) Je rejoins le sentier du bord de la rivière;
j'entends des marcheurs qui approchent en sens inverse. Je n'ai pas
envie de contact humain tout de suite, alors je bifurque hors
sentier, sur la gauche. J'entends la dame qui raconte au monsieur:
« Je ne t'ai pas encore parlé de ce qui se passe avec les
évaluations ». Je pense à l'évaluation municipale, j'imagine
une maison, le compte de taxes foncières...
« Ça a pas de bon sens, ça prend tellement de temps, pis y parlent tout le temps. Ben, je les comprends... mais ils parlent tellement que j'ai pas le temps de tout faire. »Le monsieur: « Ah oui, ils parlent beaucoup des fois. »La dame: « J'ai encore des feuilles que je fais d'habitude mais que j'ai même pas eu le temps de faire encore... ils parlent beaucoup. Pis, faut ben que je les laisse faire un peu... ils sont petits. Y'ont besoin de parler... y faut ben qu'y bougent,... y faut ben qu'y vivent! » ...
Les voix se transforment en murmures...
je ne perçois plus ce qu'ils continuent de se raconter. Tant mieux,
je ne veux pas savoir.
J'arrive à l'endroit où la rivière
déborde chaque printemps; là, une énorme épinette est tombée
l'an dernier – ou l'année précédente? - et l'amas de racines et
de terre est resté comme un immense parasol après un coup de vent,
penché sur le côté, découvrant un petite mare d'eau gelé en dessous. Jé
aime bien s'y arrêter parfois, et casser la glace en dessous.
Aujourd'hui, c'est moi qui m'assied sous cet abri et plonge dans les
racines. Mes racines ? Je laisse aller. Je vois Mathieu de la
Déséducation. Peut-être aimerait-il venir tourner un peu par chez
nous ? Je repense à ce film que je voulais faire. Ça viendra.
Peut-être. Je vois Marilyn, et Marike.
(Dans ma tête ces trois-là s'appellent les Trois M, comme mes
voisins d'en face). Je me rappelle qu'elles seront à Québec en
avril pour un panel sur l'éducation « libertaire ». J'ai
hâte! Bien que je n'aime pas le terme 'libertaire', ça sonne
bizarre, je trouve. Peu attirant. Alors qu'une vie sans école est
une vie remplie de découvertes de tous les instants et
d'apprentissage sans limitation. Je préfère 'unschooling'. Mais peu importe le mot, je suis contente de savoir que ces
dames de cœur seront de passage près de chez moi. Une idée
traverse mon esprit. Si elles en avaient le goût aussi, nous
pourrions en profiter pour étirer leur séjour et offrir, ensemble,
une rencontre sur le unschooling. Il y a de grands besoins de ce
côté. Et peu de soutien. Beaucoup de demande, peu d'offre. La pause aux racines prend fin.
Je marche
près de l'eau. La neige tombe toujours. Le décor n'en finit pas de
s'habiller tel un prince blanc (ou une princesse, comme vous voulez). On se croirait dans un conte de fées. J'arrête pour respirer à fond,
écouter l'eau de la rivière danser sur les roches. Quel son
magique, n'est-ce-pas ? Qui captive tous les humains. Une théorie
intéressante tente d'expliquer cette attraction de l'humain pour
l'eau. Mais pour le moment, j'avance encore un peu, je me rends à la
pente à glisser, comme on l'appelle. J'écoute l'eau, je respire, je
ferme les yeux. J'entends des voix venant du chemin vers l'ouest.
Deux marcheurs. Je ferme les yeux. Je respire. Je choisis de rentrer.
J'ai assez de matière pour mon blog du samedi... et pour nourrir mes
projets de vie.
Mes pas me portent joyeusement sur le sentier du retour. Un
chien s'élance vers moi en souriant. Je les salue, lui et le
monsieur qu'il accompagne. Quelle bonheur pour les chiens que ces
sentiers dans la forêt où, d'habitude, les gens osent leur permettre
d'être vivants, de courir, revenir, sentir, boire à la rivière,
courir encore. Et saluer tous les passants. Adorable !
Je me sens si légère, je cours un
moment. C'est si bon de courir. Quand j'ai eu cette vilaine fracture
au pied, il y a deux ans, ça m'a tellement manqué. Je voyais mes
fils s'élancer avec joie. Je les regardais en espérant pouvoir à
nouveau le faire, moi aussi. Je ne marche pas encore aussi longuement
qu'auparavant, mais je peux marcher. Et je peux courir à nouveau.
Avec de bonnes chaussures, cependant.
Je revois les petits et les papas qui
tantôt jouaient avec une rondelle et des bâtons de hockey. J'y ai entendu plus tôt un père demander à son fils de 3 ou 4 ans pourquoi
il ne voulait pas jouer, tout en tentant tant bien que mal de mettre
un bâton dans les mains d'un tout-petit d'à peine deux ans (on
les reconnaît facilement à leurs grand yeux doux, au dessus d'un
petit bouton de nez et deux joues bien rebondies, dans ce petit
cercle que forme leur petit visage enfoui au creux de capuchons bien
rembourrés). Le plus petit n'est plus là, mais ils sont deux à
grimper la colline de neige amassée par les déneigeurs, sous le
regard d'un papa et d'une maman cette fois.
Fini ce post. Bonne journée ! |
Édith
4 commentaires:
Comme je vous envie!!! Comme j'aimerais pouvoir connaître ce bonheur, goûter cette magie seule et si fréquemment!! il y a encore à peine quelques années nous vivions juste à côté d'une très jolie petite forêt.. Problème: je suis terrorisée par les chiens et donc par l'idée d'en croiser. 2 fois j'ai voulu surmonter ma peur, 2 fois j'ai croisé des chiens qui, sentant ma peur, sont de suite devenus agressifs... la 2ème fois c'était d'ailleurs un chien errant, j'ai été tellement pétrifiée de terreur que j'ai eu l'impression de me liquéfier sur place... Depuis, (et c'était il y a presque 5 ans) impossible de remettre les pieds dans la forêt sans une bardée de personne avec moi.. :-( La magie n'est pas du tout la même... Que ça me manque!! Que je vous envie le fait que vous trouviez "adorable" un chien qui vous saute dessus!!!
En tout cas merci pour cette magnifique ballade, je vous y ai suivi, j'y étais!!! :-)
Je continue à vous suivre sur ce blog....
Bonne journée!!! :-D
Merci Swinka, d'avoir écrit et partagé ce que tu vis. Tu as eu une mauvaise aventure avec un chien ? La peur peut venir d'un événement du passé qui a laissé un trace. Quand je t'ai lu, je me suis reconnue à chaque mot; j'ai vécu la même chose, et le chien errant aussi... ! ;-) Je pars justement marcher en forêt avec famille et amis cette fois. Mais, je reviendrai te lire et te répondre plus amplement.
Edith
Malheureusement oui, j'ai été 5 fois agressée et/ou mordu par des chiens! La 1ère fois je ne m'en souviens pas, je n'avais que 2 ans, puis 4, puis 7.. etc.. C'est un cerce vicieux, maintenant j'ai tellement peur des chiens que je rends agressif même le plus doux des chiens! :-(( J'en arrive à me demander si, à ce stade, c'est surmontable! je vis en France, donc nos forêts ne sont pas du tout aussi sauvage que les vôtres, mais je ne vis pas si loin de Fontainebleau et sa célèbre forêt, je pourrais vraiment me régaler et y passer des moments féérique avec mes enfants si je ne me transformais pas en animal traqué dès que j'avais un pied dans la forêt...
Me revoilà ! Ça fait une répétition d'agressions, ce que tu racontes. C'est une engagement important d'adopter un chien, et les responsabilités sont semblables, à mon avis, à celle des parents: nourrir le coeur et le corps, être présent, accompagner, protéger... Est-ce que les "parents adoptifs" des chiens que tu as croisés, et tes parents étaient présents ? Je ne sais pas mais il semble y avoir eu un manque flagrant de protection.
Pour guérir (surmonter les peurs ancrées par les traumatismes), il y a l'emdr.
J'ai vécu avec certains traumatismes et ça a mis un frein et altéré bien des moments de bien-être.
Et Fontainebleau, tu me fais rêver là !!! Moi qui RÊVE d'aller en France !
Édith
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