Je
suis aussi directeur du collectif « Des hommes pour demain »,
initié par le Pr. Dr. Gerald Hüther, chercheur en neurobiologie
avancée.
Édith:
En lisant votre livre, on sent cette complicité entre vos parents,
un choix commun d'offrir le soutien, l'environnement, les outils, de
trouver les personnes intéressantes et intéressées par vos
passions. Quelle est leur philosophie?
Ou
est-ce plutôt un mode de vie?
André:
Il n'y a pas de philosophie, pas de méthode. Un mode de vie, c'est
déjà plus près, mais c'est une attitude surtout.
Mes
parents étaient émus, ils nous ont vu grandir, marcher, parler sans
intervention éducative, sans incitation, chacun à son rythme. Ils
sont émus, ils le sont encore, ils vivent une seconde vague avec
Antonin; ils rencontrent l'enfance d'Antonin avec un confiance
décuplée. Leur attitude principale c'est l'observation. En position
d'observation, on se met à l'abri des erreurs qu'on peut commettre.
On n'a plus le temps de réfléchir. Porté par la curiosité,
j'observe quel sera le prochain pas naturel dans la disposition
spontanée de l'enfant, plutôt que de chercher de quelle manière je
pourrais induire le pas suivant.
Anecdote:
Antonin s'est mis à dire : « 2, 4, 6 ». Pourquoi ?
On ne sait pas.
Il
entendait un chiffre, et répondait: « 2, 4, 6 ».
Nous
sommes habités par la curiosité de voir venir l'étape suivante.
Dans le monde des autres, qui n'est pas toujours comme le nôtre bien
que nous en fassions partie, un adulte un peu choqué de le voir
rayonnant répéter 2, 4, 6, nous a dit: «Vous ne pouvez pas le
laisser dans une telle erreur, il prononce mal, il compte mal, c'est
votre responsabilité de lui montrer». Il a dit à Antonin: « Il
faut dire 1, 2, 3, 4, 5, 6,...».
Je
m'appuie sur la neurobiologie moderne; l'enfant se tourne vers ses
personnes de référence primaire: ses parents. L'enfant attend d'eux
un acquiescement, un feu vert. Ça s'inscrit dans l'enfant. On a une
responsabilité immense, il s'agit pour nous de donner à sa
disposition spontanée l'acquiescement qu'il attend; nous validons et
alors, toutes les autres influences n'ont aucune prise sur lui.
Antonin
l'a regardé, a répondu: «2, 4, 6 ».
Plus
tard, il s'est mis à dire: « 1, 3, 4, 6 ».
L'enfant
a une telle envie, un tel besoin d'acquiescement, de référence, il
est prêt à abandonner sa disposition spontanée au nom de ce qui
reçoit un bon accueil de la part de ses personnes de référence.
L'on peut laisser l'enfant dans sa disposition, ou lui imposer la
nôtre: quelle responsabilité immense!
On
savait qu'un autre pas viendrait après 1, 3, 4, 6, si on
n'intervenait pas. Nous voulons être sûrs que son évolution soit
son évolution personnelle et non le fruit de notre intervention.
Voilà ce qui meut depuis toujours mes parents.
Ici,
je vous parle d'enthousiasme.
La
neurobiologie nous apprend des choses passionnantes. Je résume
l'histoire de la neurobiologie. On a tout d'abord pensé que nous,
les humains, avons des cerveaux différents: rapides, lents, bêtes,
intelligents. C'était pratique, on a créé des catégories,
sous-doués, surdoués, etc. De manière définitive. Un gros malin
a même eu l'idée (heureusement restée sans suite!) de stériliser
les personnes avec un niveau de QI inférieur à un certain chiffre,
pour les empêcher de se reproduire.
Or,
le cerveau se développe en fonction de l'usage qu'on en fait. Une
première découverte a démontré que la zone du cerveau qui
commande le mouvement des pouces est plus développée chez les
jeunes de 15 ans d'aujourd'hui, 3 fois plus développée qu'il y a 30
ans. Avez-vous une petite idée de la raison de ceci? Bien sûr, il
s'agit des SMS. Découverte renversante. Les scientifiques ont donc
pensé à traiter le cerveau comme un muscle, à le rendre très
gros. À leur grande déception, ça n'a pas marché. Ils ont essayé
de faire apprendre 5 langues à l'école maternelle, ça ne marchait
pas. Comme la zone qui traite des pouces a triplé de volume, ils ont
inventé un programme pour tripler le volume du cerveau, ça ne
fonctionne pas.
La
découverte primordiale qu'ils ont ensuite faite est une chose que
nous savons tous depuis toujours: le cerveau se développe là où on
l'utilise avec enthousiasme!
Décortiqué
dorénavant par les scientifiques, le processus est très clair:
l'enthousiasme agit comme un engrais pour le cerveau. Là où nous
nous enthousiasmons, le cerveau se développe de manière
spectaculaire et automatique. La neurobiologie a pris des années à
prouver ce que nous savons tous par instinct et expérience:
l’enthousiasme est la clé des choses. En état d'enthousiasme,
plus rien n'est inaccessible, apprendre se « fait tout seul », ça,
nous le savons. Savez-vous que les petits enfants éprouvent une
poussée d'enthousiasme toutes les 3 minutes environ? Chez l'adulte,
une telle poussée d'enthousiasme n'arrive que de 2 à 3 fois par an!
Les enfants viennent au monde en tant que condensés d'enthousiasme.
On n'a aucune idée de ce qui se passe lorsqu'un enfant se développe
sans être dérangé dans cet état primordial et primaire
d'enthousiasme. Ma chance (il s'agit de tout, sauf d'un mérite
personnel) est que je peux apporter des réponses inédites et
décisives à ce sujet.
Maintenant
qu'on est d'accord sur l'aspect primordial de cette nécessité, il
est bon de savoir que l'enthousiasme prend du temps. Lorsque, par
exemple, je lisais un auteur ou que j'apprenais l'allemand durant 6
heures d'affilé, personne n'est venu après 50 minutes (durée
moyenne d'un cours en classe) me dire que c'est terminé. Quand on
vit son enthousiasme dans le temps et la confiance, on approfondit,
en toute logique, chaque jour, ses connaissances et sa compréhension.
Et j'ai pu faire l'expérience que cela a un effet secondaire
spectaculaire qui s'appelle: la compétence.
Quand
nous sommes enthousiastes, notre compétence augmente à grande
vitesse. Et savez vous que la compétence a, elle aussi, un effet
secondaire ? Et c'est la réussite, le succès !
On
est prêt à piétiner les autres, à sacrifier sa vie au nom de la
réussite. On a désappris bien des choses au nom de la réussite,
laquelle n'est que l'effet secondaire de la compétence, qui est,
elle, l'effet secondaire de l'enthousiasme. Voilà ! Ce qui est vendu
comme un fin en soi n'est que l'effet secondaire de l'effet
secondaire de l'enthousiasme.
|
André Stern, enfant - courtoisie Institut Arno Stern - Paris |
Édith:
Tout petit, déjà, votre papa vous offre une guitare. Vous dites
plus loin que pour vos parents, la musique est vitale, mais qu'ils ne
jouent d'aucun instrument. Vous voyez en ce premier cadeau, un appel,
une demande implicite?
André :
Pas du tout! Ça faisait partie de ce qu'ils m'ont offert, tout comme
des outils, des camions, des voitures, toutes sortes de choses. La
guitare avait beaucoup d'importance dans la musique, le flamenco, que
mon père aimait. Mais, ce n'était même pas une proposition,
c'était un cadeau. Quand on offre un camion à son enfant, ça ne
veut pas dire qu'on veut que son fils devienne camionneur.
Le
fait d'offrir une guitare...
Édith : N'avez-vous pas vécu cette mentalité de consommateur omniprésente
dans notre culture, où le parent veut voir que ce qu'il a dépensé, payé, est utilisé par son enfant?
André:
Quand
on vit avec son enfant, c'est difficile de se tromper sur ses
enthousiasmes; mes parents ont observé que j'avais la tête collée
sur le parquet lorsqu'on jouait de la guitare en-dessous. Si j'offre
des avions à Antonin à chaque fois que j'en rencontre un qui nous
plaît, c'est qu'il aime les avions, et les motos, et les autos. Et
les gros camions ! Voilà ! Je sais qu'il est passionné. Mais si je
lui offre un nécessaire à couture, ce n'est pas ce qui l'intéresse
en ce moment. En vivant avec eux, en étant observateur, on se met à
l'abri de toutes sortes d'erreurs. Effectivement, y'a pas à
organiser, mais à se laisser porter par l'enthousiasme les uns avec
les autres. Et surtout, à chaque fois qu'on essaie d'organiser
quelque chose, (désolé
pour le bruit, je suis dans la rue maintenant, Avignon est bruyant,
je vais bientôt prendre une rue plus calme ... voila! Vous êtes
toujours là, Édith? == oui, oui, bien sûr !),
on risque d'imposer ses idées; on va ainsi au devant de grandes
déceptions. Le mieux est le lâcher prise, ne pas avoir d'attente.
C'est ce qui a mis mes parents à l'abri, de ne pas avoir d'attente.
Anecdote:
Antonin adore les camions. Je lui ai trouvé un camion qui fait 62
cm, et je le lui ai offert. Il a fait: «ohhhhh !» Et il a joué
non-stop pendant 3 jours avec... l'emballage ! Il faut avoir cette
ouverture d'esprit. (Il
rit de bon coeur)
Autre
anecdote: Quand j'avais 5 ou 6 ans - je l'ai raconté dans le livre
(ndlr: page 44)- papa m'emmène au planétarium, et nous avons vécu
ensemble cet enthousiasme: lui sur les choses du ciel, moi sur le
fonctionnement du planétarium! En anglais, la neurobiologie appelle
ça «shared attention», on est ensemble sans pour autant regarder
dans la même direction.
|
André Stern - par Pauline Stern |
Édith:
Vous parlez de la photo – et de bien d'autres sujets qui vous ont
passionnés – et distinguez l'apprentissage, l'exploration
autonome, de l'avis de spécialiste. Cela vous a-t-il beaucoup
apporté d'explorer par vous-mêmes, suivant votre rythme?
André:
Ça
a fait que j'ai fait les choses avec véhémence, à mon rythme, à
ma façon à moi. Parfois, j'ai pris des détours complexes, du coup
je n'ai jamais oublié ce que j'ai appris. Ce n'était pas toujours
la ligne droite, mais c'était mon parcours. Cela dit, je n'ai pas
inventé le monde, la lutherie, la photo, mais j'ai eu une chance
inouïe, le meilleur luthier de la planète – être sous l'égide
de cet homme, c'était au-delà de mes rêves les plus fous! Aucun
rêve n'est vraiment inaccessible. Après m'être cassé le nez
auprès de plein de ses collègues, Werni m'a dit: «je peux tout te
montrer, mais je ne peux rien t'apprendre». C'était merveilleux !
Je n'ai pas inventé ce métier, je n'ai pas appris juste pour passer
un examen. Ce que j'ai appris est resté inscrit en moi, je n'ai rien
oublié parce que c'était mon parcours. Comme lorsque j'ai rencontré
le chiffre pi. C'était complexe, je voulais calculer la vitesse de
mon camion, je n'ai cru au chiffre pi que lorsque j'ai eu enroulé la
bande de papier autour de la roue (ndlr :page 55). C'était plus
simple d'appliquer la formule plutôt que de vérifier par soi-même.
Mon procédé était moins direct, moins rapide, plus compliqué,
mais c'était le mien et jusqu'à maintenant, cela m'a bien servi.
|
André Stern, avec Werner Schär - courtoisie andrestern.com |
Édith :
À un moment, vous vous rappelez les visites dans des boutiques
spécialisées, vous vous sentiez mal à l'aise, on vous regardait
comme un extra-terrestre. Plusieurs unschoolers disent être regardés
de cette façon, à un moment ou à un autre.
Néanmoins,
vous dites aussi que quelque chose en vous est posé sur des rails,
vous semblez assez sûr de vous alors que vous sortez à peine de
l'adolescence. Vos parents vous ont-ils aidé en ce sens?
André:
En fait, ce n'est pas particulier à l'adolescence. Je n'ai vécu
aucune crise d'adolescence. Cette crise n'existe que dans un certain
cadre ; sans le cadre, elle n'existe pas.
Ce
regard dont je parle, je l'ai rencontré dans les boutiques, oui,
mais pas dans la vie normale. Dans la vie normale, les enfants sont
plus libres d'esprit qu'on ne le croit. Pour un enfant, celui qui
court plus vite, saute plus haut, est plus grand ou plus petit, sont
les différences qu'elles sont en réalité quand on ne lui impose
pas la comparaison. J'ai toujours été un membre heureux de cette
société. J'ai vécu une socialisation grandeur nature : quand
on n'est pas cantonné avec des gens de même âge, qu'on vit avec
plein de gens différents, on apprend à faire les choses les uns
avec les autres, à conjuguer les expériences, les compétences,
plutôt que la compétition. Dans le grand bain social dans lequel
j'ai été immergé, il était beaucoup plus important de faire les
choses les uns avec les autres plutôt que les uns contre les autres.
Je ne me suis jamais senti différent parce que je vis dans un monde
de différence: y'avait toujours quelqu'un pour me montrer quelque
chose, ou quelqu'un à qui montrer quelque autre chose ; voilà
qui supprime le clivage entre les générations. Il ne vient pas à
l'idée d'une personne âgée de se comparer avec un enfant, mais
bien de vivre un partage d'enthousiasme. C'est précisément cela qui
est enrichissant. Ce qui m'a conduit vers mes amis, ce n'est ni notre
âge, ni notre lieu d'habitation, mais bien nos communautés
d'intérêt !
Si
je me suis senti sur des rails, côté guitare, c'était dû à mes
personnes de référence, qui avaient donné leur feu vert à ce que
je suis, à ma progression. C'est un rôle important d'être la
personne de référence, d'avoir l'intention de valider la
disposition spontanée de l'enfant. Avec la neurobiologie, on est mis
à l'abri du malaise de se sentir différent; se sentir différent
est souhaitable, on ne cherche pas à unifier les choses, à les
rendre pareilles.
|
André Stern, luthier - Tamins, Suisse - courtoisie andrestern.com |
Édith :
Vos heures structurées commencent vers 12-13 ans, est-ce à votre
demande ? Les leçons de guitare – et plus tard, d'anglais,
d'algèbre, les activités de dinanderie, de tissage, ou de danse –
d'une heure par semaine vous semblaient naturelles?
André:
Non, pas à 12 ou 13 ans, cela fait partie de ma vie depuis toujours,
avec une plus grande présence à cet âge. Ce n'est pas une
structure venue à ma demande, et ce n’était pas non plus une
organisation de l'apprentissage; cela coulait de source, découlait
du reste. Il n'y a pas de liberté sans structure. Par exemples: une
structure, une règle personnelle peut être de faire 6 heures de
guitare par jour; une structure familiale peut être de se laver les
mains avant de manger, ou de manger ensemble; une structure sociale
est de rouler à droite. On a besoin de structure. Et puis, si
l'algèbre c'était le mercredi à 14h00, il m'était inutile de m'y
rendre le dimanche à 10 heures. C'est une structure qu'un enfant
comprend très bien et qui le rassure et, justement, lui donne un
sentiment de liberté.
Édith
: Votre maman vous accompagne à des leçons d'égyptologie. Pour la
photo, la dinanderie, elle cherche, discrètement, un atelier, un
professionnel ouvert et qui vous accueille sans méthode scolaire.
Cette discrétion, de la part de vos deux parents, semble une trame
de fond importante à cette vie sans école.
André:La
discrétion est importante, oui, comme quand on a un oncle qui est
passionné par les cravates, alors on conspire tous ensemble pour lui
faire la surprise, tout le monde lui en apporte une. Tout comme pour
le collectionneur de bouchons de bouteilles de bière. On est
attentif et si on voit quelque chose d'intéressant, on le lui offre.
Libéré des attentes, qui sont délétères, nous pouvons nous
mettre à la place de notre enfant.
Édith:
Je reviens à la musique un moment. Les
gens demandent souvent comment entretenir le talent musical de leurs
enfants. Ils demandent si le unschooling fournit assez de discipline
et de rigueur pour se préparer à une carrière professionnelle en
musique. Qu'en pensez-vous?
André :
Je
ne pars jamais de moi mais toujours de l’enfant. Si les parents
écoutent, ou s'ils jouent de la musique, l'enfant est pétri de
musique, mais cela ne signifie pas qu’il va la pratiquer. Jamais,
je n'essaierai de gagner l'enfant à une de mes préférences. Si ça
part de lui, alors il n’est pas nécessaire de chercher à nourrir
l’intérêt de l’enfant, cela se fait tout seul, par
enthousiasme.
Quant
à la discipline, cette question me fait bien marrer. L'apprentissage
se fait par l'intérêt qu'on a pour les choses, l'auto-discipline
s'installe par le plaisir qu'on a à faire ces choses. On croit, à
tort, que la discipline est un cadre imposé de l'extérieur, qu'elle
nécessite un système qui force l'enfant à faire quelque chose, à
pratiquer. Alors
que la discipline
naturelle vient de l'enfant, de l'intérieur, elle naît du plaisir
et de la curiosité.
Par
exemple, quand je pratiquais la guitare 6 heures d'affilée, c'est
moi qui imposait ma discipline, mon rythme, à ma famille.
Un
autre exemple : Antonin écoute 2 minutes de La Flûte Enchantée
de Mozart. À un moment, on le voit réagir au son des clochettes. Il
aime bien et après, il s'agite un peu, il a un peu moins envie d'y
être puis, tout-à-coup, il entend de nouveau le son des clochettes.
Alors, il sait que ce son qu'il apprécie va revenir et il est prêt
à rester assis et attendre encore pour les entendre de nouveau.
C'est
à cet instant qu'il apprend l'auto-discipline: « Si je reste
assis 2 minutes de plus, j'aurai le plaisir d'entendre de nouveau les
clochettes », ce qui le conduit à avoir envie de rester 4
minutes de plus, puis 8 minutes de plus, c'est exponentiel. À son
rythme, à son moment, il choisit d'écouter 2 minutes de plus. Il
écoute et regarde les deux heures de la Flûte Enchantée à tous
les jours - tous les jours - il s'agit d'une extrême discipline. À
un an et demi, écouter et regarder la Flûte Enchantée tous les
jours est de la discipline de très haut niveau – ou tout
simplement de l’enthousiasme naturel vécu pleinement.
Édith :
Je ne sais pas pour la France, mais ici, au Québec, au Canada, en
Amérique, (je précise qu'on ne connaît que très peu le
unschooling), les gens ont vécu ce cadre qu'on leur a imposé, et
souvent, ils n'arrivent pas à s'en détacher et à en libérer leurs
enfants.
André :
Il suffit de partir de l'enfant, tout devient simple et
l’enthousiasme devient « contagieux ».
Édith :
Votre grand-père semble bien présent aussi, de même que vos
oncles, des amis de vos parents, leurs enfants également. Ce cercle
fait partie de l'environnement que vos parents vous offrent? Ils ont
déjà leur appui?
André:
Pas
forcément, il y a eu beaucoup de doutes de la part de certains
membres de la famille. Des convictions indéracinables ne sont pas
nécessairement partagées. Mais à partir du moment où chacun voit
que, porté par l'enthousiasme, il n'y a pas de souci à se faire
pour nos enfants, là ça change.
|
Arno Stern et André Stern en Inde - courtoisie Institut Arno Stern - Paris |
Édith
: Vous n'avez jamais comparé ce qui vous était offert avec d'autres
copains, des jeunes de votre âge?
André :
Ce que je voyais de la vie scolaire n'était pas appétissant. Les
enfants n'avaient jamais de temps pour jouer, ils avaient des devoirs
après l'école... et dès qu'ils apprenaient que je n'allais pas à
l'école, ils me disaient, tous : « quelle chance tu
as ! »
Édith :
Des copains vous ont passé des tests?
André:
Ça ne m'est jamais arrivé. Je le répète, les enfants sont
beaucoup plus ouverts que ce qu'on croit. Ce qui compte pour un
enfant, c'est de jouer. Et ils prennent note des différences. Ils ne
les quantifient pas, ne les qualifient pas.
Édith :
Votre
livre est aussi un appel à la liberté, à la confiance. Vous vous
adressez à un public adulte, aux parents surtout, peut-être aussi
aux adolescents. Vous voyez que les parents manquent de confiance en
leurs enfants?
André:
C'est ce qui caractérise la plupart des parents, ils croient que
s'ils ne les éduquent pas, les enfants deviendront des sauvages
analphabètes et asociaux. Pourtant, les enfants sont extrêmement
compétents. Les enfants viennent au monde avec le meilleur, le plus
adapté et le plus incroyable des appareillages d'apprentissage
jamais inventés, j'ai nommé le jeu. À partir de là, il n'y a de
place que pour la confiance. Ah! Si vous saviez comme les choses sont
simples!
Je
parle d'extrême compétence de l'enfant, de la capacité
d'apprentissage de l'enfant, aussi bien à 5 ans qu'à 85 ans, il a
la même capacité d'apprentissage. La seule chose qui définit cet
enthousiasme, c'est qu'il conduit à la compétence, puis à la
réussite. Il n'y a plus aucun souci à avoir. Je parle parfois à
des gens qui sont sans qualification, sans diplôme, et je leur dis
qu'il ne faut pas de qualification mais de la compétence, et que
celle-ci est le fruit de l'enthousiasme. L'enthousiasme est gratuit,
à disposition de chacun. Je suis l'illustration pratique du poids de
la confiance. Il faut raconter cette histoire, pour que les parents
voient à quel point il faut faire confiance aux enfants.
Édith :
Vos parents ou vous-mêmes avez senti, subi des pressions sociales?
André:
Jamais!
Absolument pas. Quand on est sûr de soi, on s'écarte naturellement
des gens qui ont des convictions et / ou des attitudes différentes,
on peut choisir ses amis, comme ils nous choisissent, par affinité.
Édith :
Vous avez votre propre philosophie de vie? Si oui, quelle est-elle?
André:
Non, la neurobiologie n'est pas une philosophie. C'est un soutien, un
atout indispensable. Ce n'est pas une philosophie, c'est une
attitude, c'est la même que celle de mes parents. C'est d'être dans
la vie commune, dans la curiosité, ensemble. Dans l'observation.
Dans
la curiosité pour le prochain pas, et non le désir d'introduire le
prochain pas.
|
André Stern - par Pauline Stern |
Ces
mots, qui résument très bien l'attitude d'André Stern, concluent
l'entrevue.
Merci
beaucoup André de m'avoir accordé cette entrevue alors que vous
êtes en plein Festival d'Avignon. Merci pour votre grande générosité
!
Édith Chabot-Laflamme
Mardi,
le 24 juillet 2012 - 10h00 à Québec, Canada - 16h00 à Avignon,
France
--
Notes:
Cette interview a été publiée (en anglais) dans Life Learning Magazine, sept.oct. 2012, et un article en a été tiré pour le magazine VIVRE, noc.déc. 2012.
André
Stern a grandi en dehors de toute scolarisation : il raconte son
expérience dans deux livres, disponibles en langue allemande aux
Editions Zabert-Sandmann ("Und
ich war nie in der Schule" - 2009 - 5ème édition,
et "Mein
Vater, mein Freund" – 2011).
Le premier a été traduit en français sous le titre: « ...Et
je ne suis jamais allé à l'école »,
aux Éditions Actes Sud – 2011- ISBN: 978-2-330-00012-7
En
tournée au Québec :
Après de multiples conférences dans plusieurs pays d'Europe, André Stern sera en
tournée au Québec en mai 2013 (Québec, Estrie, Montréal).