Une question à propos de l'apprentissage des maths m'a conduite à une brève recherche sur le site web du mathématicien Robert Lyons qui a rédigé des méthodes d'enseignement pour le milieu scolaire (dans les années '70-80, si je me rappelle bien), puis une nouvelle méthode vers la fin des années '90, destinée à être testée par les familles qui vivaient l'école à la maison. Cette méthode était différente et Monsieur Lyons affirmait qu'elle était plus appropriée en se référant aux plus récentes découvertes sur l'apprentissage et le cerveau humain. Elle permettrait à l'enfant, accompagné d'un parent, de mieux comprendre les maths et de les aimer. Stéphane a assisté à sa première présentation lors du symposium de l'AQED en 2000 et l'a rencontré par la suite pour discuter un moment. (la méthode est décrite ici) Et ici, on peut lire les écrits de parents en réponse à l'appel de témoignages lancé par Monsieur Lyons, au début des années 2000, après quelques années de rodage de sa méthode offerte gratuitement.
Je me souviens avoir écrit ce témoignage qui est publié sur cette page. Je me souviens également avoir écrit à M. Lyons de ne pas la publier sur son site web s'il préférait. Il l'a publiée. Je viens de me relire, aujourd'hui (22 février 2012), dix ans plus tard et malgré que le tout soit exact, avec le recul je vois beaucoup plus nettement que le vrai problème était uniquement le fait de vouloir "enseigner" et, ce faisant, de ne pas démontrer à mon enfant cette confiance que j'avais en lui et qu'il s'attendait naturellement à recevoir. En lâchant prise de cette fausse croyance, nos fils ont vécu une vie d'apprentissage constant et régulier avec tellement plus de joie. Lors de plusieurs déjeuners-mamans (que j'ai animés pendant quelques années, à l'époque, pour un groupe de notre région), plusieurs mère racontaient qu'elles (et leurs enfants) trouvaient ça plutôt "redondant" comme façon de faire. Notre fils a lui-même initié une correspondance avec Robert Lyons à un moment pour lui dire à quel point il détestait cette façon de faire des maths. Ils se sont écrits quelques fois. Nous avons entretenu de bons contacts avec monsieur Lyons, qui devait venir à Québec pour une conférence et répondre aux questions de tous ces parents à un certain moment mais des ennuis de santé ont conduit à une annulation. Dommage !
Afin de conserver cette trace de notre passé, et pour celles et ceux que ça pourrait intéresser, nous publions ce témoignage au sujet de l'apprentissage des maths, chez nous, en 2002. Où l'on voit que le unschooling était imprimé dans notre cœur depuis toujours, mais que le "monde scolariseux" nous faisait encore peur. Que ce soit clair, notre intention n'est pas du tout de suggérer ici une méthode d'enseignement des maths, celle-ci ou une autre, mais bien tout le contraire. L'absence de méthode qu'est le unschooling permet une plus grande ouverture à tous les apprentissages, sur tous les sujets, intérêts et passions de l'enfant. Il s'agit d'un accompagnement de la vraie vie quotidienne de notre enfant et cela suffit pour n'importe quel apprentissage.
Pendant la petite enfance de notre premier fils, j'ai intuitivement enseigné (très peu tout de même) toutes sortes de concepts: mots, couleurs, formes, lettres majuscules et minuscules, chiffres, lecture, opérations etc. Jamais de façon magistrale mais plutôt en saisissant l'occasion (carpe diem) qui se présentait. En auto, dans le carré de sable, dans la baignoire, avec un jeu ou un jouet. Quand il cherchait à comprendre les signaux ou lire les panneaux sur la route, par exemple. Ainsi, notre fils savait lire à cinq ans et dénombrer une centaine d'objets, y faire des ajouts, des retraits etc.
Il a fait les deux tiers (ah! les mathématiques, elles sont partout!) de la première année primaire à l'école du quartier. On y utilisait les manuels et cahiers d'exercices mathématiques ESPACE et IKKI. Notre fils réussissait très bien. Je veux dire par là qu'il réussissait facilement les exercices proposés précédés d'un exemple à suivre. Il avait de bonnes notes (entre 98 et 100%) à chaque évaluation. Pourtant, j'ai pu vérifier après son retrait de l'école publique qu'il ne comprenait pas toujours ce qu'il faisait même s'il réussissait "bien".Un jour, l'enseignante a posé une question oralement à tous les enfants de la classe. Chacun devait trouver la réponse personnellement, l'écrire et aller la montrer au professeur, en cachette des autres bien entendu. Les enfants devaient trouver l'équation mathématique qui illustre la phrase suivante. "Il y a 5 oiseaux sur un fil. Deux sont rouges, trois sont bleus. Les oiseaux rouges s'envolent." Ah! Le malheur de mon fils. Presque tous les élèves avaient déjà trouvé la réponse et lui avait dû retourner dîner à la maison en continuant d'y réfléchir jusqu'au début de l'après-midi. Il ne comprenait pas la question et la seule réponse qui lui venait était "3". Il se sentait intimidé et n'avait plus confiance en lui.Après cette expérience, il ne voulut plus jamais faire de mathématiques. Il répétait sans cesse qu'il n'était pas bon, pas capable. Il se mit à détester les mathématiques.Lorsque nous avons fait le choix de l'école-maison, nous avons posé des questions autour de nous et avons finalement opté pour Découvertes Mathématiques 2. Le cahier était abondamment illustré et coloré, ce que notre fils préférait. Il aimait alors remplir quelques pages de ce cahier chaque semaine. Un après-midi, il en avait même fait 18 pages alors que j'étais occupée à prendre soin du bébé. Il s'y mettait de lui-même et se sentait compétent, c'était facile.L'année suivante, après que mon mari ait assisté à un atelier que vous animiez (on y parlait beaucoup de l'apprentissage et du cerveau), nous avons choisi de poursuivre avec "Les mathématiques à la Maison" que vous écrivez.Au début, notre fils aîné appréciait de n'avoir jamais à écrire. Il trouvait les concepts très (parfois trop) faciles car on a commencé avec quelques chapitres du volume 1 pour poursuivre avec le volume 2 alors qu'il était âgé de 8-9 ans. Toutefois, il se lassait rapidement, ne pouvait se concentrer que pendant quelques minutes et continuait de détester les maths. Chaque fois qu'il rencontrait une difficulté, il avait tendance à abandonner. Il trouvait les problèmes présentés, souvent trop faciles, parfois trop difficiles et toujours répétitifs. J'aurais du alors me limiter à présenter un ou deux problèmes dès que je voyais qu'il avait saisi, compris. Mais par inquiétude ou manque de confiance en moi (et/ou en lui), je continuais à lui présenter tous les problèmes.Nous avons continué avec le volume 3 l'année suivante. J'ai beaucoup appris sur la façon de comprendre de mon fils. En suivant cette méthode, j'ai également compris des concepts mathématiques que je n'avais jamais encore intégrés. J'avais 35 ans et je m'amusais à faire des maths. J'aurais aimé que mon enthousiasme et mon plaisir soient contagieux, ce qui n'a jamais été le cas. Nous avons quand même fait le volume 3 au complet, à raison de 2 très courtes périodes par semaine environ (dans une ambiance lourde et trop difficile à vivre pour nous deux).À l'automne 2002, j'ai décidé de laisser mon enfant apprendre par lui-même selon les occasions, les situations que la vie lui offrirait. Je suggère des projets, des thèmes d'études mais mon implication s'arrête là. À lui de choisir ce qu'il veut étudier. Encore faut-il préciser que, souvent, même s'il décide de ne rien apprendre, il apprend. Je crois qu'il est impossible de ne pas apprendre. La vie est merveilleuse et bien faite. L'école de la vie nous convient parfaitement. J'ai douté parfois, mais j'ai continué d'observer.Ainsi, j'ai pu me rendre compte que notre fils sait se débrouiller, en général, dans la vie de tous les jours s'il rencontre un questionnement de nature logique ou mathématique. Il arrive à faire toutes sortes d'opération sur des nombres alors que ça semblait très abstrait pour lui lorsqu'on étudiait. Par exemple, alors qu'un enfant lui demandait s'il connaissait les racines carrées, il répondit par l'affirmative. Mon fils lui demanda s'il savait trouver le côté d'un carré de 9 tuiles. L'autre, intimidé, répondit que non. Alors, mon fils lui explique que la racine carrée de 9, ça veut dire en fait, le côté d'un carré de 9 tuiles et il lui démontre l'application concrète du terme "racine carrée". Terme bien enseigné à l'école de l'autre enfant mais dans l'abstrait, uniquement.Notre enfant arrive facilement à estimer le coût des taxes sur un article qu'il désire acheter ainsi que l'argent qui devrait lui revenir selon le billet qu'il présente pour cet achat. J'en conclus donc qu'il se débrouille bien dans la vie quotidienne à la condition que le problème soit concret pour lui et que la situation soit réelle dans sa vie. Inventer ou soumettre un problème qui ne lui est pas arrivé personnellement le fait fuir. Il déteste.J'opte finalement pour l'apprentissage non-dirigé, du moins en ce moment. Notre fils aura l'occasion de voir arriver bien d'autres problèmes dans sa vie et, évidemment, je ne trouverai pas les réponses pour lui. De toutes façons, il aime bien les défis. Et au fond, quoiqu'il en dise, il adore les mathématiques, quand elles sont bien réelles dans sa vie et qu'il ne sait pas (ou plutôt qu'on ne lui dit pas) que ce sont des situations mathématiques.Je crois aussi que pour faire ce type d'enseignement, être à l'écoute constamment est d'une grande importance. J'essaie de saisir le moment, chaque fois qu'il se présente, tout comme je l'ai fait lorsqu'il était petit. À ce moment précis, je peux "placer" une idée, un concept, suggérer un projet ou une lecture qui tombera à point dans son apprentissage de la vie. Et, pour ce faire, Les Mathématiques à la Maison m'aident beaucoup. Je crois maintenant que c'est moi, l'enseignante, qui doit comprendre et connaître parfaitement ce que je veux enseigner. Alors, je me mets au travail et je vous demande les prochains chapitres du volume 4.En terminant, je vous redis à quel point cette lettre a été bénéfique pour moi. Je vous permet d'en publier chaque partie qui pourra aider votre cause que je trouve juste.
Je répète, pour être sûre qu'on ne va pas nous dire un jour qu'on a suggéré ici d'utiliser les Mathématiques à la Maison ou quelqu'autre "méthode" de maths. Ce n'est absolument pas le cas. Notre intention en publiant cette lettre écrite il y a dix ans est uniquement de témoigner d'un changement essentiel de paradigme pour vivre un véritable unschooling, une vraie vie vivante. C'est l'histoire d'un choix basé sur la peur, suivi d'un choix différent, fait pour semer la joie. Nous espérons ainsi inspirer les parents à être à l'écoute de leurs enfants, VIVRE AVEC eux, et surtout, ne pas essayer de les modifier pour répondre à nos attentes... ou pour faire taire nos peurs.
Edith
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