« L'urgence
d'une nouvelle attitude envers l'enfance n'a d'égale que l'urgence
climatique.
Elles sont reliées, car l'avenir en dépend. » ~
André Stern
Notre
temps manque d'enthousiasme.
Nous
avons si peur devant l'enfant.
L'enfant
est logique, lucide.
Nous,
adultes, plus encore ceux des générations précédentes, avons été
conditionnés à ne pas être les enfants que nous étions.
Lever le store sur la lumière du jour |
Quand
nos enfants étaient petits, mon mari me disait qu'on était une « génération-tampon »: même si notre
enfance n'avait pas toujours été respectée, on devait préserver
celle de nos enfants. Je savais qu'il avait raison mais je ne réalisais pas encore alors à quel point.
Quand
nos enfants étaient petits, j'avais l'impression qu'ils avaient un
don pour nous « réveiller »,
ou réveiller des parties de nous qui semblaient dormir quelque part.
Ce n'est bien sûr pas le cas mais l'image de l'enfant levant le
store sur la lumière du jour, le dimanche matin, quand le soleil est
là depuis longtemps et que les parents dorment encore, ça me
parlait. Si ça vous est arrivé, vous savez que ça
réveille drôlement et que ça brûle les yeux de passer abruptement
de l'obscurité aux rayons du soleil. Lorsque viennent ensuite des
bisous tout doux ou un petit déjeuner servi au lit (oui, parfois, on y avait droit !), alors on se frotte un peu les yeux et on sourit. Mais
ce n'est pas de ça dont je parle aujourd'hui. Je parle de notre
difficulté à regarder en face ce qui ne va pas, ce qui ne va plus.
Je sais, c'est difficile d'ouvrir les yeux quand on nous demande de
les fermer depuis l'enfance. Mais au bord du gouffre, alors qu'on en
est aujourd'hui à 8 ½ ans d'une catastrophe annoncée, allons-nous vraiment faire taire l'enfant, lui raconter une histoire pour le remettre au lit, pour fermer les yeux et
dormir encore un peu ?
L'idée fait peur mais je ne suis pas pour autant surprise d'entendre des voix d'adultes
s'élever et exiger le silence. Depuis que je suis mère, j'en ai
entendu «des vertes et des pas mûres» autour de nous devant les propos
ou les choix de nos enfants: végétarisme puis véganisme, équité,
éthique, justice, écologie; refus des faux-semblants; indignation
devant la bêtise, l'inutile, la destruction de la nature pour faire
toujours plus, d'immeubles, de produits, de profit... À vivre auprès
d'eux, on a ré-appris à ouvrir les yeux. Et les oreilles.
Écouter, entendre, comprendre, respecter leurs choix, parfaitement
cohérents d'ailleurs. De leur côté, ils n'ont pu manquer de voir
que c'était plutôt rare, en fait, que l'Enfant soit entendu. Surpris,
ils ont cherché pourquoi, posé des questions. Je ne savais pas
vraiment, j'ai cherché avec eux. Pourquoi les adultes n'écoutent
pas les enfants ? Pourquoi moi, je ne les écoutais pas, avant ?
Réponse simple: parce que j'avais été éduquée ainsi. Les adultes parlent et décident,
les enfants écoutent et obéissent.
Lever du soleil sur la mer |
Comment
être la mère, le père, l'adulte qu'on veut être ? Il n'y a pas de
recette magique mais ce qui peut aider, c'est de réaliser qu'on
n'aurait pas fait les mêmes choix si on nous avait laissé baigner
dans la logique et la cohérence de notre enfance, si on avait
répondu à nos questions de façon sérieuse, si on avait cherché avec nous au besoin. Prendre conscience de cela,
c'est ouvrir une porte pour évacuer colère et sentiment de
culpabilité et laisser entrer des sentiments plus confortables :
responsabilité, envie d'agir, enthousiasme.
En
matière d'enthousiasme, l'enfant est champion. Tout-petit,
l'enfant vit une tempête d'enthousiasme toutes les 2 à 3 minutes.
L'adulte, lui ?
2 ou 3 fois... par an ! Si on a l'impression d'avoir oublié ce que c'est qu'être enfant, n'ayons
crainte, nos dispositions natives sont toujours là. Être enfant, c'est glisser les doigts sur
les touches d'un piano, manger les fraises qu'on cueille assis
au milieu du champ, respirer le tilleul de juillet au coin d'une
rue, courir en entendant au loin le chant du cardinal. Vivre, jouer, respirer le même air que les enfants, petits et grands. Ce
chemin, que j'appelle celui « du
retour à soi », n'est pas un long fleuve tranquille. (Il ne
l'était pas à l'aller non plus...) Il peut parfois prendre des allures de Compostelle mais c'est la seule étape
essentielle pour recouvrer la vue. Réapprendre la vie, redécouvrir
le monde, les
yeux grand ouverts cette fois, c'est comme regarder un film qu'on a
déjà vu, on y remarque des tas de choses qu'on n'avait pas aperçues
la première fois : de nouvelles couleurs, pas toujours roses
mais roses aussi; de nouvelles saveurs, celles des légumes frais qui
poussent sur le balcon, par exemple.
Précieuse ressource, l'arbre au lever du soleil |
Retrouver
notre enthousiasme, tout est là. Sur ce chemin du retour à soi, le pas hésitant devient de plus en plus léger. Le
cœur aussi. Redécouvrir le monde auprès de ces charmants
compagnons de voyage qu'on a accueillis dans nos vies, ça fait le
quotidien plus vrai, une authenticité qui fait du bien. On se sent libéré d'un stress constant, l'ancien « besoin » de compensations,de consommation inutile, s'évanouit peu à peu.
Reste le vivre
ensemble, et agir ensemble.
Pour nos enfants, pour nous tous.
Merci
à nos enfants qui ont levé tous les stores sur nos yeux endormis.
Vive
toutes les Greta de ce monde !
Édith
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