dimanche 22 septembre 2019

Discours de Greta Thunberg devant le Congrès américain - en français


Voici mon discours devant le Congrès américain, en version imprimée.

« Je m'appelle Greta Thunberg, j'ai 16 ans et je viens de Suède. Je suis reconnaissante d'être avec vous ici aux États-Unis. Une nation qui, pour beaucoup de gens, est le pays des rêves.

J'ai aussi un rêve: que les gouvernements, les partis politiques et les entreprises saisissent l'urgence de la crise climatique et écologique et s'unissent malgré leurs différences - comme on le ferait en situation d'urgence - et prennent les mesures nécessaires pour préserver les conditions d'une vie dans la dignité pour tout le monde sur terre.

Parce qu'alors – nous, des millions de jeunes en grève scolaire – pourrions retourner à l'école.

Je rêve que les personnes au pouvoir, ainsi que les médias, commencent à traiter cette crise comme l'urgence existentielle qu'elle est, pour que je puisse rentrer chez moi auprès de ma sœur et de mes chiens, car il me manquent.

En fait j'ai plusieurs rêves. Mais nous sommes en 2019. Ce n'est ni le moment ni le lieu pour rêver. C'est le moment de se réveiller. C’est le moment de l’histoire où nous devons être pleinement éveillés.

Oui, nous avons besoin de rêver, nous ne pouvons pas vivre sans rêves. Mais il y a un temps et un lieu pour tout. Et les rêves ne doivent pas empêcher de dire les choses comme elles sont.

Et pourtant, partout où je vais, j'ai l'impression d'être entourée de contes de fées. Les chefs d'entreprise, les élus de tous les horizons politiques consacrent leur temps à imaginer et à raconter des histoires pour nous apaiser et nous rendormir.

Ce sont des histoires « réconfortantes » sur la façon dont nous allons tout régler. Comme tout sera merveilleux quand nous aurons tout « résolu ». Mais le problème auquel nous sommes confrontés n’est pas que nous manquions de capacité à rêver ou à imaginer un monde meilleur. Le problème aujourd'hui est que nous devons nous réveiller. Il est temps de faire face à la réalité, aux faits, à la science.

Et la science ne parle pas principalement de « grandes opportunités pour créer la société que nous avons toujours voulue ». Elle évoque des souffrances humaines inexprimées, qui seront de plus en plus graves si nous repoussons notre action, à moins de commencer à agir maintenant. Et oui, bien sûr, un monde transformé de façon durable offrira de nombreux et nouveaux avantages. Mais vous devez comprendre. Ce n’est pas d'abord une opportunité de créer de nouveaux emplois verts, de nouvelles entreprises ou une croissance économique verte. C'est avant tout une urgence, et pas n'importe quelle urgence. C'est la plus grande crise à laquelle l'humanité ait jamais été confrontée.

Et nous devons la traiter en conséquence afin que les gens puissent comprendre et en saisir l'urgence. Parce qu'on ne peut pas résoudre une crise sans la traiter comme telle. Arrêtez de dire aux gens que tout ira bien alors qu’en réalité, ça n'ira pas vraiment bien. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut emballer et vendre ou « aimer » sur les médias sociaux.

Arrêtez de prétendre que vous, votre idée d'entreprise, votre parti politique ou votre plan vont tout résoudre. Nous devons réaliser que nous n’avons pas encore toutes les solutions. Loin de là. À moins que ces solutions ne signifient que nous cessions tout simplement de faire certaines choses.

Échanger une source d'énergie désastreuse pour une source légèrement moins désastreuse ne peut être considéré comme un progrès.
Exporter nos émissions à l'étranger ne réduit pas nos émissions. Faire de la comptabilité de façon créative ne nous aidera pas. En fait, c’est le cœur même du problème.

Certains d'entre vous ont peut-être entendu dire que nous avions 12 ans à compter du 1er janvier 2018 pour réduire de moitié nos émissions de dioxyde de carbone. Mais je suppose que vous n’avez pratiquement pas entendu dire qu’il y avait 50% de chance de rester en dessous de 1,5 ° C de la hausse de la température mondiale par rapport aux niveaux préindustriels. Cinquante pour cent des chances.

Et ces calculs scientifiques les plus récents et les meilleurs qui soient disponibles n'incluent pas les points de bascule non linéaires, ni la plupart des boucles de rétroaction imprévues, telles que le méthane extrêmement puissant qui s'échappe du pergélisol arctique en dégel rapide, ou qui est déjà enfermé dans le réchauffement caché par la pollution atmosphérique toxique. Ils n'incluent pas non plus l'aspect équité; la justice climatique.

Donc, 50% des chances – c'est comme jouer à pile ou face – ne suffira certainement pas. Ce serait impossible à défendre moralement. Quelqu'un d'entre vous voudrait-il monter dans l'avion si vous saviez que celui-ci avait plus de 50% de chances de s'écraser ? Plus précisément: mettriez-vous vos enfants sur cet avion ?

Et pourquoi est-il si important de rester en dessous de la limite de 1,5 degré ? Parce que c’est ce que demande unanimement la science, pour éviter de déstabiliser le climat, afin de ne pas déclencher une réaction en chaîne irréversible qui échapperait au contrôle de l'humain. Même à 1 degré de réchauffement, on constate une perte inacceptable de vies et de moyens de subsistance.

Alors, où commençons-nous ? Eh bien, je suggérerais que nous commencions à regarder le chapitre 2, page 108, du rapport du GIEC publié l'année dernière. Sur cette page, il est indiqué que si nous voulons avoir 67% de chances de limiter la hausse de la température mondiale à moins de 1,5 degré Celsius, il nous restait, le 1er janvier 2018, environ 420 Gt de CO2 à émettre selon ce budget de dioxyde de carbone. Et bien sûr, ce nombre est beaucoup plus bas aujourd'hui, parce que nous émettons environ 42 Gtonnes de CO2 chaque année, en incluant l'utilisation des sols.

Avec les niveaux d’émission d’aujourd’hui, le budget restant sera épuisé en moins de 8 ans et demi. Ces chiffres ne représentent pas mon opinion personnelle. Ils ne représentent ni l'opinion ni le point de vue politique de qui que ce soit. Ces chiffres sont basés sur ce que la science démontre actuellement. Et bien qu'un grand nombre de scientifiques pensent que même ces chiffres sont trop modérés, ce sont ceux qui ont été acceptés par toutes les nations par le biais du GIEC.
Et notez bien que ces chiffres sont globaux et ne disent donc rien sur l’aspect de l'équité, clairement énoncé dans l’Accord de Paris, ce qui est absolument nécessaire pour le faire fonctionner à l’échelle mondiale. Cela signifie que les pays les plus riches doivent faire leur juste part et réduire leurs émissions à zéro beaucoup plus rapidement afin que les habitants des pays les plus pauvres puissent améliorer leur niveau de vie en construisant certaines des infrastructures que nous avons déjà, tels que les routes, les hôpitaux, les écoles, l'eau potable et l'électricité.

Les États-Unis sont le plus gros pollueur carbone de l'histoire. C’est également le premier producteur mondial de pétrole. Et pourtant, vous êtes également le seul pays au monde à avoir manifesté votre ferme intention de quitter l’Accord de Paris. Parce que, je cite : « c’était un mauvais 'deal' pour les États-Unis ».

Quatre cent vingt Gt de CO2 restaient à émettre le 1er janvier 2018 pour avoir 67% de chances de rester en dessous de 1,5°C de la température mondiale. Maintenant, ce chiffre est déjà inférieur à 360 Gt.

Ces chiffres sont très inconfortables. Mais les gens ont le droit de savoir. Et la grande majorité d'entre nous n'a même aucune idée que ces chiffres existent. En fait, même les journalistes que je rencontre ne semblent pas savoir qu’ils existent. Sans parler des politiciens. Et pourtant, ils semblent tous tellement certains que leur plan politique résoudra toute la crise.

Mais comment pouvons-nous résoudre un problème que nous ne comprenons même pas en entier ? Comment pouvons-nous laisser de côté le tableau complet et les meilleures données scientifiques actuellement disponibles?

Je crois qu'il y a un énorme danger à le faire. Et quel que soit le contexte politique de cette crise, nous ne devons pas permettre que cela reste une question politique partisane. La crise climatique et écologique dépasse la partisanerie politique. Notre principal ennemi à l'heure actuelle n'est pas notre adversaire politique. Maintenant, notre principal ennemi, c'est la physique en elle-même. Et o
n ne peut pas négocier avec les lois de la physique.
Tout le monde dit qu'il est impossible de faire des sacrifices pour la survie de la biosphère, et pour garantir les conditions de vie des générations futures et actuelles.

Les Américains ont pourtant fait de gros sacrifices pour surmonter de terribles difficultés auparavant.

Pensez aux braves soldats qui se sont précipités à terre lors de la première vague sur Omaha Beach le jour J. Pensez à Martin Luther King et aux 600 autres leaders des droits civiques qui ont tout risqué pour aller de Selma à Montgomery. Pensez au président John F. Kennedy qui annonçait en 1962 que l’Amérique « choisirait d’aller sur la lune au cours de cette décennie et de faire d'autres choses, non pas parce qu’elles sont faciles, mais parce qu’elles sont difficiles… »

C'est peut-être impossible. Mais en regardant ces chiffres – en regardant les meilleures données scientifiques actuellement disponibles, telles que signées par chaque pays – alors je pense que c’est précisément ce à quoi nous sommes confrontés.

Mais vous ne devez pas passer tout votre temps à rêver, ni considérer cela comme une lutte politique à gagner.

Et vous ne devez pas jouer à pile ou face l'avenir de vos enfants.
Au lieu de cela, vous devez vous unir derrière la science.

Vous devez agir.


Vous devez faire l'impossible.


Parce que renoncer ne peut jamais, jamais, être une option. » ~ Greta Thunberg

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Here is my full speech from the US Congress in print. - Greta Thunberg
https://www.facebook.com/gretathunbergsweden/posts/919950758372745

"My name is Greta Thunberg, I am 16 years old and I’m from Sweden. I am grateful for being with you here in the USA. A nation that, to many people, is the country of dreams.

I also have a dream: that governments, political parties and corporations grasp the urgency of the climate and ecological crisis and come together despite their differences – as you would in an emergency – and take the measures required to safeguard the conditions for a dignified life for everybody on earth.

Because then – we millions of school striking youth – could go back to school.

I have a dream that the people in power, as well as the media, start treating this crisis like the existential emergency it is. So that I could go home to my sister and my dogs. Because I miss them.

In fact I have many dreams. But this is the year 2019. This is not the time and place for dreams. This is the time to wake up. This is the moment in history when we need to be wide awake.

And yes, we need dreams, we can not live without dreams. But there’s a time and place for everything. And dreams can not stand in the way of telling it like it is.

And yet, wherever I go I seem to be surrounded by fairytales. Business leaders, elected officials all across the political spectrum spending their time making up and telling bedtime stories that soothe us, that make us go back to sleep.

These are “feel-good” stories about how we are going to fix everything. How wonderful everything is going to be when we have “solved” everything. But the problem we are facing is not that we lack the ability to dream, or to imagine a better world. The problem now is that we need to wake up. It’s time to face the reality, the facts, the science.

And the science doesn’t mainly speak of “great opportunities to create the society we always wanted”. It tells of unspoken human sufferings, which will get worse and worse the longer we delay action – unless we start to act now. And yes, of course a sustainable transformed world will include lots of new benefits. But you have to understand. This is not primarily an opportunity to create new green jobs, new businesses or green economic growth. This is above all an emergency, and not just any emergency. This is the biggest crisis humanity has ever faced.

And we need to treat it accordingly so that people can understand and grasp the urgency. Because you can not solve a crisis without treating it as one. Stop telling people that everything will be fine when in fact, as it looks now, it won’t be very fine. This is not something you can package and sell or ”like” on social media.

Stop pretending that you, your business idea, your political party or plan will solve everything. We must realise that we don’t have all the solutions yet. Far from it. Unless those solutions mean that we simply stop doing certain things.

Changing one disastrous energy source for a slightly less disastrous one is not progress. Exporting our emissions overseas is not reducing our emission. Creative accounting will not help us. In fact, it’s the very heart of the problem.

Some of you may have heard that we have 12 years as from 1 January 2018 to cut our emissions of carbon dioxide in half. But I guess that hardly any of you have heard that there is a 50 per cent chance of staying below a 1.5 degree Celsius of global temperature rise above pre-industrial levels. Fifty per cent chance.

And these current, best available scientific calculations do not include non linear tipping points as well as most unforeseen feedback loops like the extremely powerful methane gas escaping from rapidly thawing arctic permafrost. Or already locked in warming hidden by toxic air pollution. Or the aspect of equity; climate justice.

So a 50 per cent chance – a statistical flip of a coin – will most definitely not be enough. That would be impossible to morally defend. Would anyone of you step onto a plane if you knew it had more than a 50 per cent chance of crashing? More to the point: would you put your children on that flight?

And why is it so important to stay below the 1.5 degree limit? Because that is what the united science calls for, to avoid destabilising the climate, so that we stay clear of setting off an irreversible chain reaction beyond human control. Even at 1 degree of warming we are seeing an unacceptable loss of life and livelihoods.

So where do we begin? Well I would suggest that we start looking at chapter 2, on page 108 in the IPCC report that came out last year. Right there it says that if we are to have a 67 per cent chance of limiting the global temperature rise to below 1.5 degrees Celsius, we had, on 1 January 2018, about 420 Gtonnes of CO2 left to emit in that carbon dioxide budget. And of course that number is much lower today. As we emit about 42 Gtonnes of CO2 every year, if you include land use.

With today’s emissions levels, that remaining budget is gone within less than 8 and a half years. These numbers are not my opinions. They aren’t anyone’s opinions or political views. This is the current best available science. Though a great number of scientists suggest even these figures are too moderate, these are the ones that have been accepted by all nations through the IPCC.
And please note that these figures are global and therefore do not say anything about the aspect of equity, clearly stated throughout the Paris Agreement, which is absolutely necessary to make it work on a global scale. That means that richer countries need to do their fair share and get down to zero emissions much faster, so that people in poorer countries can heighten their standard of living, by building some of the infrastructure that we have already built. Such as roads, hospitals, schools, clean drinking water and electricity.
The USA is the biggest carbon polluter in history. It is also the world’s number one producer of oil. And yet, you are also the only nation in the world that has signalled your strong intention to leave the Paris Agreement. Because quote “it was a bad deal for the USA”.
Four-hundred and twenty Gt of CO2 left to emit on 1 January 2018 to have a 67 per cent chance of staying below a 1.5 degrees of global temperature rise. Now that figure is already down to less than 360 Gt.
These numbers are very uncomfortable. But people have the right to know. And the vast majority of us have no idea these numbers even exist. In fact not even the journalists that I meet seem to know that they even exist. Not to mention the politicians. And yet they all seem so certain that their political plan will solve the entire crisis.
But how can we solve a problem that we don’t even fully understand? How can we leave out the full picture and the current best available science?
I believe there is a huge danger in doing so. And no matter how political the background to this crisis may be, we must not allow this to continue to be a partisan political question. The climate and ecological crisis is beyond party politics. And our main enemy right now is not our political opponents. Our main enemy now is physics. And we can not make “deals” with physics.
Everybody says that making sacrifices for the survival of the biosphere – and to secure the living conditions for future and present generations – is an impossible thing to do.
Americans have indeed made great sacrifices to overcome terrible odds before.
Think of the brave soldiers that rushed ashore in that first wave on Omaha Beach on D Day. Think of Martin Luther King and the 600 other civil rights leaders who risked everything to march from Selma to Montgomery. Think of President John F. Kennedy announcing in 1962 that America would “choose to go to the moon in this decade and do the other things, not because they are easy, but because they are hard…”
Perhaps it is impossible. But looking at those numbers – looking at the current best available science signed by every nation – then I think that is precisely what we are up against.
But you must not spend all of your time dreaming, or see this as some political fight to win.
And you must not gamble your children’s future on the flip of a coin.
Instead, you must unite behind the science.
You must take action.
You must do the impossible.
Because giving up can never ever be an option." ~Greta Thunberg

2 commentaires:

Unknown a dit…

Qui a fait cette belle traduction de ce discours important? Il se trouve que c'est la seule traduction en français que j'ai trouvé sur Internet.

L'équipe J'OSE la vie ! a dit…

C'est nous. :)

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