21
ans jour pour jour après le concert The Wall à Berlin, en
Allemagne;
4 ans, jour pour jour après le concert de Paul McCartney à Québec - on entendait justement la musique des Beatles en entrant sur les Plaines; Roger Waters, auteur, compositeur, musicien, chanteur et scénariste de génie (du latin genialis: relatif à la naissance), était sur les Plaines samedi soir, le 21 juillet 2012, avec cette pièce de théâtre (comme a dit mon amie Diane), ce concert spectaculaire: The Wall !
4 ans, jour pour jour après le concert de Paul McCartney à Québec - on entendait justement la musique des Beatles en entrant sur les Plaines; Roger Waters, auteur, compositeur, musicien, chanteur et scénariste de génie (du latin genialis: relatif à la naissance), était sur les Plaines samedi soir, le 21 juillet 2012, avec cette pièce de théâtre (comme a dit mon amie Diane), ce concert spectaculaire: The Wall !
crédit-photo: La Presse |
Peu importe, j'allais assister au concert, et après 1h40 d'attente à faire partie d'un mouvement humain qui avançait d'un demi-pas de souris à la minute sous un soleil tapant, je me suis trouvé un petit espace vert entre deux couples à droite, deux autres à gauche, qui m'ont paru sympathiques et pas trop fêtards. Je n'ai pas fait erreur, ça a été le cas toute la soirée. J'ai eu assez d'espace, en fait, pour m'allonger un moment au besoin, m'étirer, et dessiner un peu, en attendant l'Heure !
24
heures plus tard, j'étais encore sous le choc, et sous le charme. 40
heures plus tard, au moment où j'écris ces lignes (23 juillet, 16h00), je le suis
toujours. Sous
le charme de Roger (qui a une certaine ressemblance avec Richard Gere
- ressemblance confirmée par nos couch surfers du week-end, Momo et
Dom, que je salue au passage), de son accent britannique adorable
lorsqu'il parle français, de sa voix incomparable, de tous ces musiciens aussi qui jouent
avec brio, de l'équipe technique incroyable qui travaille dans
l'ombre. Pour The Wall, mince consolation, ils ne sont pas les seuls à être dissimulés
aux spectateurs, les musiciens se retrouvant, à un moment, derrière le mur, eux
aussi. Ce wall que
Roger Waters a choisi d'ériger, inspiré par ce moment difficile vécu lors du désormais fameux concert à Montréal en 1977 . Fear builds walls. La peur érige des murs partout entre les humains, des murs qui s'appellent « education »,
« religion », qui mènent à la guerre. Le mur, ce sont toutes ces barrières
entre les gens, pour ne pas, pour ne
plus, communiquer avec l'autre.
« Plein
la vue ! », disait Dom, en rentrant au petit matin. « Plein
les oreilles ! », ajoutai-je pour un peu, juste un tout petit
peu, raconter l'émotion de ce concert mémorable à mon cher mari et notre fils
qui nous attendaient, même si l'horloge indiquait déjà 1h30 passée. Momo qui parle japonais, anglais, et comprend assez bien le
français, écoutait. Un peu étrange ce moment où l'on rencontre
quelqu'un pour la première fois et qu'on a déjà partagé un grand
moment à cent mètres l'un de l'autre. Fatigués
mais incapables d'aller au lit, nous nous sommes assis à la table de
la cuisine pour boire de l'eau fraîche – il a fait tellement chaud
à attendre au soleil à l'entrée pendant des heures – et bavarder
un peu.
Un
peu envahie par le passé, je me suis rappelée cette époque où on
allait à la polyvalente, ghetto blaster sur l'épaule (des gars) – ou posé
par terre à la café' (c'était lourd). Ce temps où on chantait partout « We don't
need no education » en guise de mantra pour tenter de résister au moins
un peu à notre assimilation par la machine scolaire qui, dévorante,
nous vidait peu à peu de notre essence même. De même le « Hey
teacher, leave them kids alone » que répétaient en chœur
presque frénétiquement sur le trajet de l'étroite sortie des
Plaines, les jeunes gens que j'ai côtoyés - de très près - un moment.
mon petit frère et moi (photo : J'OSE la vie !) |
Et larmes à nouveau lorsque défilent toutes ces photos de personnes tuées par ces luttes et guerres de toutes sortes, ces (t)erreurs
de l'état, toutes aussi absurdes les unes que les
autres, tellement que nous n'avons même pas de mot pour en dénoncer l'absurdité. Mon frère est mort. D'une balle en plein cœur. Un accident, a-t-on dit. Ce n'était pas un erreur de l'état, mais je suis à jamais liée à tous ceux qui ont perdu une personne aimée aux mains d'une personne armée. Qui a besoin
de tuer... qui ? Je ne sais pas si je publierai ce billet, à quoi
bon, que je me dis, parler de ces choses si tristes, aussi tristes
qu'inutiles, les larmes jaillissent... un souvenir à mettre à sécher, dirait Sandra...
Roger
a pris la parole. En français. Et il parle bien français, monsieur
Waters. Très bien. Une photo, sur le WALL, Roger raconte l'histoire
de Jean-Charles de Menezes :
«
Ce gars-là, sur le mur, était un jeune ingénieur du Brésil, qui a
visité Londres quelques années avant. (Ça
va? C'est good?...
cris
et applaudissements chaleureux,
thank
you!)
Les flics ont imaginé qu'il était un terroriste, et alors, ils ont
tiré 8 fois dans la tête avant même de dire bonjour. Bien sûr, il
était complètement innocent. Je voudrais dédier ce concert à lui
[De Menezes] et à toutes les autres victimes de la terreur de l'État
dans le monde. Peut-être, son histoire nous rappelle que si nous
accordons, à l'État et à la police, trop de pouvoir, la descente
vers la tyrannie est raide, rapide et glissante.»
L'émotion est partagée.
Après ces mots que personne n'oubliera, le spectacle a pris une tournure un peu différente – enfin pour moi. Des dizaines de chansons dont je ne connaissais souvent que l'image de la pochette de l'album, parfois le titre, mais toujours le rythme. Mario, lui, en connaît sûrement les paroles, pour les avoir écouter, écouter, écouter, sans bruit, les oreilles cachées par les écouteurs, les yeux fermés, plongé qu'il était dans la musique des Pink Floyd, et la poésie unique de Roger Waters. Je le vois encore, là, dans le fauteuil, les jambes allongées, dans ce petit salon à aire ouverte sur la cuisine familiale, dans notre petit appartement au sous-sol de cette petite maison, juste à côté du Jardin Zoologique.
Sur
les Plaines, j'étais face au WALL, face à la scène où ces jeunes
adolescents venaient de chanter eux aussi qu'ils n'ont pas besoin
d'éducation, à tenter de reconnaître Roger - qui faisait figure de
lilliputien à une telle distance (vive les écrans géants!). Mon corps suivait le rythme de cette
musique qu'il connaissait déjà depuis longtemps, si longtemps.
C'était si bon!
À l'entracte, je me suis assise un moment sur l'herbe humide, j'entendais dans mon dos un homme à l'accent hispanophone lire sur son téléphone portable une partie de l'historique des Pink Floyd pour son copain. Qu'est-ce qu'on peut en apprendre des choses maintenant, rapidement, aisément, avec un téléphone et un accès à Internet ! Le lendemain, attablés pour déjeuner au soleil sur la terrasse, je racontais ce que j'avais entendu, et je répétais la même erreur que cet homme à l'accent du sud, et je disais que Barrett prenait trop de LCD... ce qui m'a valu une bonne blague de la part de Guillaume, un autre couch surfer en visite, de la Bretagne celui-là. Bien sûr, tout le monde a compris (comme moi, la veille) qu'on parlait de LSD. :-)
À l'entracte, je me suis assise un moment sur l'herbe humide, j'entendais dans mon dos un homme à l'accent hispanophone lire sur son téléphone portable une partie de l'historique des Pink Floyd pour son copain. Qu'est-ce qu'on peut en apprendre des choses maintenant, rapidement, aisément, avec un téléphone et un accès à Internet ! Le lendemain, attablés pour déjeuner au soleil sur la terrasse, je racontais ce que j'avais entendu, et je répétais la même erreur que cet homme à l'accent du sud, et je disais que Barrett prenait trop de LCD... ce qui m'a valu une bonne blague de la part de Guillaume, un autre couch surfer en visite, de la Bretagne celui-là. Bien sûr, tout le monde a compris (comme moi, la veille) qu'on parlait de LSD. :-)
Le
concert a repris.
« Hey you ! »
... une civière passe devant nous: quelqu'un n'est pas bien.
"Out there in the cold
Getting lonely, getting old
Can you feel me?"
J'ai secrètement souhaité que ce ne soit pas grave, espéré que cette personne puisse entendre le reste du concert de la tente-infirmerie, surtout ne pas manquer cet événement unique.
« Hey you! »
Un peu plus tard, sur ce mur géant de 728 pieds de long, lorsqu'il y a eu la projection de tous ces extraits vidéos, dont celle de cette fillette, Vera, qui est assaillie par l'émotion lorsqu'elle retrouve son père après la guerre, j'ai pleuré à nouveau, et je sais que bien des épaules se sont soulevées de sanglots retenus partout autour. Combien d'enfants, dans notre culture qui fait éclater les familles, aimeraient retrouver leur père ?
« Hey you ! »
... une civière passe devant nous: quelqu'un n'est pas bien.
"Out there in the cold
Getting lonely, getting old
Can you feel me?"
J'ai secrètement souhaité que ce ne soit pas grave, espéré que cette personne puisse entendre le reste du concert de la tente-infirmerie, surtout ne pas manquer cet événement unique.
« Hey you! »
Un peu plus tard, sur ce mur géant de 728 pieds de long, lorsqu'il y a eu la projection de tous ces extraits vidéos, dont celle de cette fillette, Vera, qui est assaillie par l'émotion lorsqu'elle retrouve son père après la guerre, j'ai pleuré à nouveau, et je sais que bien des épaules se sont soulevées de sanglots retenus partout autour. Combien d'enfants, dans notre culture qui fait éclater les familles, aimeraient retrouver leur père ?
puis,
visiblement ému, il a dit que c'était
leur 192è spectacle, que c'était le dernier, que c'était bien
de finir ça ici, et qu'ils allaient tous se souvenir de cette nuit
pour le reste de leur vie. On se disait la même chose, justement. Il
a ensuite exprimé à la foule: «Vous
êtes ma-gni-fiques!»
Puis, il a remercié à nouveau, déclaré que c'était terminé, que
c'était le temps de quitter.
Hey you !
Don't tell me there's no hope at all
Don't tell me there's no hope at all
Together we stand, divided we fall.
-----
Je
suis restée là, un moment, à respirer l'air encore chaud et
humide. Puis, à contre-courant, je me suis avancée vers la scène,
pas très près car il y avait une foule dense, mais assez près pour
mieux voir le mur. Un technicien est sorti de je ne sais où, puis un
autre, ils ont jeté quelques briques. Dans les places VIP,
semble-t-il. Je me suis avancée encore un peu, attendant que la
foule diminue au kiosque de souvenirs. J'ai opté pour un
poster. À la sortie, derrière les toilettes chimiques, des dizaines
d'hommes se sont soulagés le long de la clôture. Une femme la main sur la bouche et le nez. Ça empestait
l'urée de bière.
Sur
l'herbe du parlement, au pied d'un arbre, face à la fontaine, je me
suis assise un instant pour rappeler Stéphane qui venait d'appeler et dont j'avais deviné la voix.
J'ai manqué les deux appels de Dom et Momo, tenté de les retourner
mais ils venaient d'une boîte téléphonique. J'ai fouillé mon sac
pour prendre ma carte d'autobus... pour finalement la retrouver dans
ma poche 5 minutes plus tard. Une affiche lumineuse indiquait où prendre les trajets de retour. Je me suis rendue au Complexe G,
j'ai fait la file jusqu'au coin de la rue, regardant les gens,
essayant de deviner qui étaient nos hôtes, et tout à coup, un peu
à l'écart, j'ai cru reconnaître une silhouette de dos, cheveux noués, aux côtés d'une jeune femme au visage asiatique,... c'était bien eux. Quelle
surprise ! On s'est trouvés facilement donc. On s'est présentés et,
encore sous l'effet, on a partagé nos impressions de ce spectacle
musical, théâtral, magistral !
Et la finale !
Et la finale !
Une
heure plus tard, on reprend au verre d'eau fraîche dans la cuisine.
;-)
Edith, avec le sourire, et remplie d'espoir ! ♥
3 commentaires:
MERCI Edith pour ce magnifique partage. Comme ça vient me chercher ! J'en perds mes mots... Merci.
Bienvenue Fleur ! Ça m'a fait du bien de l'écrire, ça m'habitait tellement! ;-)
«Together we stand !»
Edith
En passant, ça vaut vraiment le coup d'écouter Roger parler français. C'est la 2è vidéo. ;-)
Edith
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